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Adi Shankaracharya, fondateur de l'Advaïta Vedanta

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Adi Shankaracharya, fondateur de l'Advaïta Vedanta Empty Adi Shankaracharya, fondateur de l'Advaïta Vedanta

Message par Greenman Mar 20 Mar 2012 - 14:12

Adi Shankaracharya, fondateur de l'Advaïta Vedanta C9

Śhankara (788-820, ou 700-750)


Śankara (Shankara) est né au Malabar, dans la localité de Kâladi, dans le Sud de l'Inde, dans une famille çivaïte de très stricte orthodoxie brahmanique, une famille de brahmanes Nambûtiri (il y a aujourd'hui encore 16.000 brahmanes Nambûtiri au Malabar-Kerala).

A cinq ans, comme il est d'usage, il passe par l'initiation brahmanique (upanayana), et il est investi du cordon sacré. Puis il étudie dans une école védique (pâthaçâlâ). Comme tout élève védique, le jeune Śankara devait quêter jour après jour sa nourriture et préparer les cérémonies rituelles.

A seize ans, il opte pour la vie d'ascète itinérant (samnyâsin), devint le disciple de l'ascète Govinda Bhagavatpâda, auteur des Kârikâ sur la Mandukya-Upanishad..

Çankara eut d'ailleurs l'extrême bonheur de rencontrer le maître de son maître (le paramaguru), peu avant la mort de celui-ci.

La grande ambition de Śankara était la restauration de la Religion éternelle (vedikamatha) de l'Inde, de rétablir, devant le pullulement et le foisonnement des sectes, l'unité religieuse de l'Inde, devant la menace de l'islam.

Dans ce but, il fit trois fois le tour de la péninsule indienne. Au cours de ses pérégrinations, il fonda d'innombrables monastères (matha), où s'enseignent la Śruti et la smriti.

Il fit notamment un pèlerinage dans l'Hîmalaya au mont Kailasa, demeure traditionnelle de Śiva et de son épouse Parvatî. Lui-même est d'ailleurs considéré comme une incarnation plénière de Śiva.

Il a été aperçu pour la dernière fois à Kañci (dans le Tamil-Nadu, extrême sud de l'Inde). On ne sait rien de ses dernières années.

Il eut une activité de réformateur de l'hindouisme.:

suppression des sacrifices animaux
remplacement des boissons alcoolisées (madya), de viande (mâmsa) et de poisson (matsya) par des offrandes de riz, de fleurs et de laitages.

Dans un but d'unité religieuse, il introduisit l'adoration conjointe des cinq grandes divinités hindoues, lors du rituel privé quotidien: Sûrya (le Soleil), Durgâ (épouse de Śiva), Vichnou, GaneŚa (dieu représenté sous forme d'éléphant) et Śiva

Il enseignait qu'il ne fallait pas absolutiser les différentes religions. Elles ne sont pas des fins en elles-mêmes. Elle ne font que montrer la voie divine.

Il ne faut pas non plus absolutiser les rites, qui ne sont qu'un moyen provisoire de salut, qui doit un jour être dépassé par une rencontre directe avec l'Absolu, le Brahman. Ce qu'il appelle rites, ce sont les rites védiques et la bhakti..

En effet, au-delà des divers dieux qui, comme tous les hommes, sont soumis au cycle des renaissances, donc naissent et meurent, il y a le Brahman, unique et éternel, sans commencement, ni fin situé au-delà des noms et des formes, inconcevable pour un esprit humain ordinaire.

La doctrine de Śankara est fondée sur les Upanishads: " Les Upanishads ont été rédigées pour établir la science du Brahman [la théo-logie !], de façon que l’ignorance soit à jamais rejetée et que le cours des existences s’arrête " (UpadeŚasahasrî, I.25-27)

Le Brahman étant entièrement différent de tout ce qui existe dans ce monde-ci, il ne peut être décrit par les mots de la langue " Neti, neti " (Bâ).

On ne peut attribuer au Brahman des qualités qui auraient leur pendant dans ce monde-ci. Il est donc sans attributs (nirguna), sans spécification (nirviŚesha). On ne peut même pas prétendre qu’il soit un, car les nombres et les catégories ne s’appliquent pas à l’Absolu.

Il transcende les limitations du temps et de l’espace.

Seul le Brahman existe. Le monde n’a pas de réalité par lui-même. Il n’est qu’un reflet de l’Absolu. C’est ce que veut dire la célèbre formule du Vedânta selon laquelle le monde n’est qu’une illusion:


La Mâyâ

Il y a une force qui nous empêche de voir la source de ce reflet, qui fait que nous sommes hypnotisés par ce reflet, qui nous empêche de voir que derrière le monde il y a autre chose de plus réel, le seul réel. C’est la mâyâ qui voile le réel et projette la multiplicité Seul existe réellement le substrat de la réalité empirique et provisoire, le Brahman éternel et infini.

Contrairement au sâmkhya qui est un dualisme, le vedânta est un non-dualisme, ou un monisme.

Pour Śankara donc, le monde est irréel. Mais il ne va pas aussi loin que le nihilisme bouddhique, pour lequel le monde est une simple construction forgée par l’esprit, ou l’Advaïta postérieur qui pose qu’en dehors du réel absolu (Brahman), il n’y a que du perçu-pour-réel.

Pour Śankara, le monde bien que fondé sur des perceptions n’est pas une simple perception. Il se distingue, par sa coordination, des images du rêve. Il se distingue aussi de l’hallucination, laquelle n’a qu’une réalité d’apparence.

A quel fin est imparti cet enseignement ? Comme les autres darŚana-s, le vedânta prétend conduire à la délivrance, laquelle réalise l’unicité de l’être définitivement et en pleine conscience, résorbant le jîva dans le Brahman, abolissant l’avidyâ (la nescience) et le karman.

La méthode pratique; ce ne sont pas les œuvres et le rite comme dans la Mîmâmsâ.


La délivrance (moksha)

Dans un premier stade on peut se contenter des pratiques traditionnelles de la piété hindoue:

- culte rendu à sa divinité d’élection

- étude des textes sacrés

- méditation

- foi dans le contenu de la Śruti

- japa [histoire comparée des religions, cf. le dhikr des soufis]: répétition constante de l’une des grandes formules upanishadiques: tat tvam asi ( "Cela [=le Brahman], tu l'es toi-même") , aham Brahmâsmi ("je suis le Brahman").

Mais tout cela ne fait partie que du savoir inférieur, lequel donne accès seulement à la délivrance progressive, qui se fait à échéance lointaine.

Si l’on veut atteindre la délivrance dès cette vie-ci, devenir un délivré-vivant, il faut passer par les quatre sâdhana-s (réalisation de soi-même, perfectionnements intérieurs):

1) Discriminer l’éternel du non-éternel

2) se déprendre du fruit de l’acte, agir de manière désintéressée (BhG)

3) acquérir les six vertus: pacification de soi, maîtrise des sens, non-agir (nivritti), patience-endurance, concentration, foi)

Çankara se situe donc du côté de la nivritti

4) aspirer à la délivrance

L'inébranlable conviction que Brahman est la seule réalité et que l'univers est illusoire, c'est ce qu'on appelle la discrimination (viveka) entre le réel et l'irréel.

L'absence de passion (vairâgya) consiste, en accord avec les leçons de guru, etc., à renoncer aux jouissances passagères, depuis celles du corps jusqu'à celles de Brahmâ.

Lorsque, après avoir détaché sa conscience de la multiplicité des objets sensibles, dont une observation inlassable a mis les défauts en lumière, on réussit à la maintenir inébranlablement sur la même cible, on obtient le calme de l'esprit (çama).

Quand on parvient à déprendre les deux groupes d'organes (sensoriels et actifs) de leurs objets correspondants et à les cantonner en leurs centres respectifs, l'on a acquis sur soi-même un empire absolu (dama). L'arrêt des fonctions mentales (uparati) est au suprême degré lorsque l'on ne dépend plus des objets extérieurs.

Supporter toutes les afflictions sans se soucier d'y porter remède, et en même temps se garder de toute inquiétude et de toute doléance, voilà en quoi consiste la patience (titikshâ).

Le fait de déterminer et de comprendre la vérité de ce que les Ecritures et le guru enseignent, c'est ce que les sages appellent la foi (Śraddhâ), en vertu de laquelle la Réalité est perçue.

Ne jamais céder à une distraction de l'esprit, mais se concentrer à tout instant sur le Brahman pur, voilà en quoi consiste la stabilisation de la conscience (samâdhâna).

L'élan vers la délivrance (mumukshutva) c'est ce qui porte l'aspirant à se libérer, en réalisant sa véritable nature, de toutes les formes de servitude, depuis celle du sentiment du moi (aham-kâra) jusqu'à celle du corps grossier, qui ne sont que des surimpositions de l'ignorance. (Vivekacûdâmani 20 à 27.)

Il faut aussi passer par les 4 stades:

1) audition du Veda

2) réflexion sur le Veda

3) réflexion sur le Brahman (nididhyâsana)

4) Samâdhi: concentration ultime sur le Brahman avec ou sans distinction du connaisseur et du connu.

Alors se produit en nous la vision libératrice, l’éveil de l’être…

Le délivré vivant, libre des attaches humaines, ressentira quelque temps encore le contre-coup de son karma, avant de se fondre définitivement dans le Brahman, dans une béatitude infinie.



(D'après Ralph Stehly, Professeur d'histoire des religions, Université Marc Bloch, Strasbourg. site : stehly.chez-alice.fr)
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Adi Shankaracharya, fondateur de l'Advaïta Vedanta Empty Re: Adi Shankaracharya, fondateur de l'Advaïta Vedanta

Message par Greenman Mar 20 Mar 2012 - 14:31

Les doctrines fondamentales des Upanishad-s


A. La doctrine de base

C'est l'identité entre le Brahman et l'âtman. Le Brahman, c'est l'Absolu qui n'est pas conçu sous la forme d'une personne, c'est l'énergie divine infinie qui crée, préserve et résorbe en lui tout l'univers (à la fin de la période cosmique), et qui se présente à nous de manière dégradée, matérialisée dans toutes les créatures, quelles qu'elles soient. Cette énergie divine infinie est identique à l'âtman, l'âtman étant ce que nous découvrons être notre âme, notre noyau fondamental, dans lequel se trouve préservé notre identité à travers les transmigrations.

Cette identité est affirmée par les célèbres formules:

Tat tvam asi ("Cela c-à-d le Brahman, tu l'es toi-même), Chandogya-Upanishad 6.8.7.
Aham Brahma asmi ("Je suis le Brahman"), Brihad-âranyaka-up. 1.4.10.



Cette identité n'est pas chose évidente, parce que ce que nous percevons des choses et des personnes dans l'expérience quotidienne, c'est leur enveloppe extérieure, et non leur noyau intime.

Le fait que les objets et les personnes ne nous apparaissent pas spontanément dans leur être profond, central, dans leur âtman est le résultat de la mâyâ. La mâyâ est la puissance d'illusion qui fait que nous n'allons généralement pas au-delà des informations brutes qui nous sont livrées par les sens et que nous croyons représenter toute la réalité, alors qu'elles ne représentent que la surface de la réalité, et non leur noyau central, leur âtman.

Le Brahman et l'âtman sont en dernière analyse inconnaissable, mais nous pouvons néanmoins laisser l'âtman advenir en nous, en faisant silence en nous-mêmes grâce aux exercices de yoga.

B. La cosmologie des Upanishads

Elle est résumée dans une célèbre formule de la Chandogya-Upanishad (3.14.1) :

"Assurément l'univers est Brahman. Le Brahman doit être médité comme le Tajjalân "

Tajjalân se décompose en tat-ja-lâ-an, tat=cela (cf. anglais that), ja = naître (cf. genèse), lâ = retourner, an = animer (cf français animer).

Il faut donc comprendre: "Le Brahman est ce dont (tat) l'univers est né (ja), ce dans quoi il retourne (lâ), et par quoi il est animé (an).

Dans cette expression, on a la première allusion à la triple activité du Brahman comme producteur de l'univers, comme vivificateur et comme lieu de retour de l'univers.

1. La production de l'univers

Dans les hymnes du Veda, on a tout une série de textes qui ont en commun

(1) qu'il y a un principe premier (, le Brahman, Prajâpati...., sur Prajâpati voir tapas)

(2) que ce principe émet ou produit (sanskrit: shrshti) une matière à partir de lui-même (eaux sur lesquelles se développe un oeuf.....)

(3) et entre en tant que premier-né en elle (sur un exemple de cosmogonie des Védas, voir ici).

Ce schème s'est, en gros, conservé dans les Upanishads. Les textes les plus importants sont par ordre chronologique:

Brhad-Âranyaka-up. 1.4.7.:

"L'univers avant nous n'était pas encore déployé; il se déploya alors par le nom et la forme [c-à-d qu'il devint distinct]; cet Âtman (= ce Brahman) y est entré jusqu'au bout des ongles, comme le rasoir enfermé dans son étui, ou le feu dans les baguettes [qui servent à l'allumer]"


Ce texte n'établit pas encore de distinctions dans l'univers ainsi déployé. La Chandogya-up ( (6.2.3) distingue déjà dans la masse matérielle issue du Brahman 3 éléments: le feu (tejas), l'eau et la nourriture (ou la terre).

Taittirîya-up 2.1 : "De ce Soi (Âtman, c-à-d le Brahman)) est issu l'espace (âkâça, sur l'âkâça voir Maitry-up. 6.17), de l'espace, du vent le feu, du feu les eaux, des eaux la terre ",

avec une nouvelle idée: un ordre d'engendrement; ces 5 éléments, on les retrouvera dans le système philosophique sâmkhya, ainsi que l'idée d'un engendrement successif.

Remarque: dans ces premiers textes, on ne fait pas tellement la distinction entre nature organique et inorganique, les deux sont issus du Brahman et sont composés à partir des 5 éléments du cosmos.

La différence, c'est que les corps organiques (plantes, animaux, dieux) sont des âmes migrantes, et sont donc en essence l'âtman lui-même, tandis que les corps inorganiques sont composés uniquement des 5 éléments (éther, vent, feu, eau, terre). Bien que gouvernés eux aussi par le Brahman (Bâ 3.7.3-14), ils ne sont pas pour autant des âmes migrantes comme les animaux, les hommes et les dieux (il s'agit des divinités à karman ou deva).

En ce qui concerne la nature organique, on garde l'idée que sa création est une shrishti, une décharge, une libération, une émission, une émanation du Brahman, mais on insiste tout particulièrement sur la présence de l'âtman migant. Ainsi en Bâ 2.2.18, il y a un jeu de mots entre pura et purusha. Le Brahman crée les organismes comme des citadelles (pura) et entre en elles comme un habitant.

" Comme des citadelles (pura), il (le Purusha, c-à-d le Brahman) a produit les bipèdes, comme des citadelles, il a créé les quadrupèdes, dans les citadelles, il est entré comme un oiseau, dans les citadelles comme un habitant".

Tous les êtres vivants (plantes, animaux, hommes et dieux mineurs) sont donc des sanctuaires dans lesquels le Brahman est présent en tant qu'âme individuelle. C'est pourquoi il n' y a pas en Inde de sanctuaire du Brahman (comme il y a des temples pour les dieux seigneurs ou Îçvara-s), puisque tous êtres vivants sont par définition des sanctuaires du Brahman.

Mundaka-up 2.1.7:

" De lui les dieux ont émané selon leurs formes diverses, les génies également; de lui les hommes, les animaux et les oiseaux, inspiration et expiration, le riz et l'orge.

La transmigration englobe donc bien les plantes (Katha-up 5.7) et les dieux (Bâ 4.4.4.).

Remarque: la conception de la shrshti (le Brahman, après avoir émis le monde, entre en lui) sauvegarde l'idée de la seule réalité du Brahman (sur la seule réalité du Brahman, voir le Vedânta de Shankara ).

2. La conservation et l'animation de l'univers

Le Brahman est ce qui sous-tend l'univers entier. Sans le Brahman, rien de ce qui est visible n'existerait. Il y a un lien de dépendance explicite entre toutes les réalités du monde et le Brahman qui est expliqué dans la Mundaka-Upanishad (et en Brhad-Âranyaka up 2.4.7-9) par la très belle des étincelles et du feu (en Bâ: image du son et des instruments de musique): les réalités de notre monde sont comme les étincelles qui jaillissent du feu; les étincelles n'existent que parce que le feu est allumé et brûle, de même les réalités du monde n'existent que parce que par derrière brûle éternellement ce feu qu'est le Brahman:

" De même que d'un feu bien allumé jaillissent par milliers des étincelles qui sont en parenté avec lui, ainsi, mon cher, de l'Impérissable (= du Brahman) émanent les êtres divers et retournent à lui " (Mundaka-upanishad 2.1.1)

Mieux, l'univers que nous avons devant nous, c'est le corps du Brahman, et les différents élément de l'univers sont des membres de ce corps gigantesque:

"Le feu est sa tête, la lune et le soleil ses yeux, les points cardinaux ses oreilles et sa parole les Védas révélés. Le vent est son souffle, tout l'univers est son coeur. La terre provient de ses pieds. Il est, de tous les êtres, l'âme intérieure " (Mundaka-up 2.1.4).

Si le Brahman sous-tend le monde, c'est parce qu'il y est partout répandu, de manière mystérieuse et invisible, et qu'il vitalise et anime le monde (voir la parabole du fruit du nyagrodha en Chandogya-up 6.12.1-3).

Chaque chose doit son existence propre au fait qu'elle trouve son fondement dans le Brahman:

" En vérité, c'est sous l'autorité de cet Impérissable que le soleil et la lune ont leur existence propre ...." (Brhad-âranyaka-up 3.8-9)

Le Brahman est ce en quoi s'enracine le monde. Ainsi Katha-up 6.1 compare le monde à un figuier renversé:

" Ce figuier éternel [symbole du monde] dont la racine va en-haut, les branches en-bas, c'est le pur, le Brahman ".

Il est le protecteur de l'Univers et maintient les choses en l'état:

" Il est le protecteur du monde, il est le souverain du monde (îça) " (Kaushitakî-up. 3.9).

En outre, il guide les créatures dans leurs actions; en Bâ 3.7.19-23, l'âtman est l'antaryâmin, le guide intérieur.

Mais le Brahman n'intervient pas dans l'histoire.

3. L'eschatologie des Upanishads: le Brahman comme lieu de retour de l'univers et de l'âtman

On connaît la doctrine de l'hindouisme classique qui s'épanouira dans les Purâna-s: la création périodique de l'univers et sa dissolution périodique avec sa résorption dans le Brahman, aux termes d'énormes périodes de temps: les kalpa-s et les para-s ( voir Les périodes cosmiques).

Cette conception est étrangère aux Upanishads les plus anciennes.

Il convient de distinguer :

1. le retour des individus dans le Brahman

2. le retour de l'univers.

(1) Taittirîya-up 3.1 : Celui de qui, en vérité, les êtres naissent, par qui les êtres vivent, en qui ils rentrent en mourant.... c'est le Brahman.

Mundaka 2.1.1 : " De même que d'un feu bien allumé jaillissent par milliers des étincelles qui sont en parenté avec lui, ainsi, mon cher, de l'Impérissable (= du Brahman) émanent les êtres divers et retournent à lui "

(2) Il n'est pas question d'une dissolution de l'univers dans les Upanishads anciennes. L'idée apparaît en Shvetâshvatara-up 3.2 et 4.1: " l'être unique (Shiva) , lui en qui le monde est dissous à la fin et qui crée au commencement, c'est lui le Dieu, puisse-t-il nous combler d'une intelligence heureuse ! "

a) La périodicité apparaît en Maitry-up. 6.17:

En vérité, le Brahman, au commencement, était tout ce (monde). Il existait seul, illimité à l'Est, illimité au Sud, illimité à l'Ouest, illimité au Nord, illimité au-dessus et au-dessous. Cette Âme suprême est illimitée, innée, inscrutable, impensable et son Soi est l'espace. Lorsque le monde est détruit, seule, elle veille ; à partir de cet espace, elle éveille ce (monde) qui n'est rien que pensée; ce monde est médité par Elle et en Elle il est absorbé.

b) La transmigration (voir aussi la réincarnation)

La conception classique est celle du Vedânta. L'humanité, selon Shankara, est comme une plante. Comme une plante, elle germe, se développe et retourne finalement à la terre. Pas complètement cependant. De même que la graine des plantes survit, de même les oeuvres d'un homme lui survivent comme une graine qui jette la semence d'une nouvelle vie.

Chaque vie, avec ses actions et ses souffrances, est l'inévitable conséquence des actions d'une existence précédente et conditionne, par les actions qui y ont été accomplies, la vie suivante.

On ne peut trouver avec certitude la trace de la doctrine de la transmigration dans aucun texte védique avant les Upanishads.

Dans le Rig-Veda, on enseigne pour les bons une existence éternelle parmi les dieux sous le contrôle de Yama, et pour les mauvais un voyage dans les profondeurs abyssales. Il y a même trace d'un jugement des morts: car il faut passer devant les deux chiens de Yama qui gardent l'entrée du séjour des dieux. Les élus festoient et banquettent avec les dieux (idée du repas de fête pris avec les dieux, ce qui était déjà le cas avec le sacrifice).

Le plus ancien texte des Upanishads à parler de la réincarnation est Brhad-âranyaka-up 4.4.3 (vers le - 6ème s.): " De même qu'une chenille, arrivée au bout d'un brin d'herbe, se contracte pour une nouvelle avance, de même cet âtman, secouant son corps, s'étant libéré de l'ignorance, se contracte pour une nouvelle avance ".

ainsi que Bâ 4.4.6 " Celui qui est arrivé au but final des actions qu'il commet ici-bas, retourne du monde de l'au-delà dans le monde de l'action..... quant à celui qui ne désire que l'âtman.... n'étant que Brahman il entre en Brahman".

c) Chemin des Pères et Chemin des Dieux

Voir Chandogya-up 4.15.5 et Brihad-âranyaka-up 6.2.14

On y dit que lors de la crémation du corps, l'âme entre dans la flamme, puis dans le jour, puis le soleil...... et le Brahman. La signification est que l'âme entre dans des régions toujours plus lumineuses. C'est le chemin des dieux (devayâna).

Le devayâna s'oppose au Pitryâna (le chemin des Pères): l'âme entre dans la fumée (non dans le feu), dans la nuit (et non dans le jour), dans la quinzaine sombre de la lune, et finalement dans la lune où elle fait transit. Puis l'âme se rematérialise en éther, vent, fumée, brume, nuage et en semence, puis suit l'entrée dans une matrice et donc une renaissance.

Dans le bouddhisme il y a un schéma analogue, dans Le Bardo Thödol.

Le schéma est un peu différent en Kaushithakî-up 1.2: toutes les âmes sans exception vont à la lune, leurs connaissances sont testées, et, selon le résultat, elles empruntent le devayâna pour rejoindre le Brahman, ou bien elles sont renvoyées sur terre.


C. La libération

En quoi consiste la libération ?

Lorsqu'on se rend compte qu'on est un âtman, lorsque tous les autres désirs que celui de faire advenir l'âtman se seront évanouis, lorsqu'on est libre par rapport à tous les désirs, alors on atteint la libération. Le plus beau texte est celui de Brhad-âranyaka-up 4.4.6-7:

" Quant à celui qui n'est pas consumé par le désir, qui est libre par rapport au désir, qui est libre par rapport à tous les désirs, qui ne désire que l'âtman, ses souffles ne s'échapperont pas (vers d'autres régions), n'étant que Brahman, il entre en Brahman. ... Quand toutes les passions s'évanouissent, qui élisent domicile dans le coeur de l'homme, alors lui qui est mortel devient immortel. Dès ici-bas, il jouit du Brahman [il est donc un délivré vivant]".

Cette découverte libératrice qu'on est soi-même un âtman passe par une discipline dont les anciennes Upanishads parle déjà: le yoga.

D. Le degré de réalité du monde

Dans les Upanishads deux tendances s'affrontent:

1) une tendance idéaliste qui sera ensuite formulée magistralement par Shankara et le Vedânta : ce monde n'est qu'un reflet, il est donc illusoire, il n'a pas d'existence par lui-même.

2) Une tendance réaliste qui sera élaborée dans le sâmkhya.

La tendance idéaliste part de l'idée de l'unité de l'être. Par-delà la pluralité apparente des choses, il ne peut y avoir qu'une seule réalité, et cette réalité c'est le Brahman. Les tenants de cette tendance s'appuient sur des vers tels que Rig-Veda 1.1.64.46: "ekam sad viprâ bahudhâ vadanti" : "les poètes donnent de nombreux noms à ce qui est seulement un" et RV 10.90.2 " Cet univers entier est le Purusha seul, à la fois celui qui fut et celui qui sera " et sur des passages des Upanishads tels que Brhad-âranyaka-up 2.4.7-9 où il est dit : de même que les sons d'un tambour, d'une conque ou d'un luth n'ont pas d'existence par eux-mêmes, mais uniquement par rapport à l'instrument qui produit les sons, de même les objets de l'univers n'existent pas indépendamment du Brahman.

La tendance réaliste postule l'existence de deux réalités éternelles: le purusha ( = le Brahman, le principe spirituel du monde) et la prakriti (la matière-énergie universelle). C'est le sâmkhya, qui est la base philosophique du yoga-darçana.

Les 18 premiers produits de la prakriti ( buddhi, ahamkâra, manas, les 10 indriya-s, et les 5 tanmâtra-s ) forment le corps subtil ( linga) qui entoure l'âtman et l'accompagne lors de sa transmigration.

Sources:
P. DEUSSEN, Sechzig Upanishad des Veda, Darmstadt, 1963
P. DEUSSEN, The Philosophy of the Upanishads
John Muir, Original sanskrit texts on the origins and progress of the religion and institutions of India, Londres, 1858
Surendranath Dasgupta, A History of Indian Philosophy, 1961-65
(Par Ralph Stehly, Professeur d'histoire des religions, Université Marc Bloch, Strasbourg. Site : stehly.chez-alice.fr)
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Adi Shankaracharya, fondateur de l'Advaïta Vedanta Empty Re: Adi Shankaracharya, fondateur de l'Advaïta Vedanta

Message par Greenman Mar 20 Mar 2012 - 14:33

Le Kevala-Advaïta ou non dualisme absolu


Les darçana-s (systèmes philosophico-théologiques) vont deux par deux. Le yoga est le prolongement du sâmkhya, auquel il a emprunté son matériel conceptuel. De même le Vedânta est le prolongement d'un autre darçana moins connu, parce que plus technique: la mîmâmsâ.

La mîmâmsâ, c'est l'exégèse du Veda à des fins rituelles.

Le Vedânta, c'est l'exégèse du Veda à des fins philosophico-théologiques (il s'appelle d'ailleurs aussi Brahma-mîmâmsâ, "investigation du Brahman". C'est d'ailleursce que suggère l'étymologie. Vedânta (=fin du Veda) désigne au sens propre les Upanishads, en tant que celles-ci parachèvent l'édifice védique. Le fondement du Vedânta, c'est donc la Révélation védique, la çruti et uniquement la çruti, qu'il considère comme la plus haute autorité, le critère de vérité par excellence.

L'œuvre de base du Vedânta, ce sont les Vedânta-sûtra ou Brahma-sûtra ("Aphorismes sur le Brahman"): 555 aphorismes d'une lecture très difficile, parce que très condensés. Ils sont attribués au rishi (sage védique) Bâdarâyana. On pense qu'ils ne remontent pas au-delà du 3éme s. avant JC.

Ces sûtras ne seraient pas compréhensibles sans l'aide des commentaires postérieurs. Le plus célèbre de ces commentateurs est l'un des plus grands penseurs de l'humanité, Çankara, qui a fait du Vedânta ce qu'il est encore actuellement "l'une des plus admirables réalisations de l'esprit humain" (Von Glasenapp). Mais pour l'Inde, il ne s'agit pas d'une création humaine, mais bien d'une doctrine révélée.

Transmission de la doctrine vedântique (advaita-sampradaya)

Nârâyana (identifié à Vichnou): l'Être suprême
Brahmâ: le Créateur
Vasishtha: fils spirituel de Brahmâ et rishi védique
Çakti : aîné des cent fils de Vasishtha
Parâsara: fils aîné de Çakti, auteur présumé du Vichnou-Purâna
Vedavyâsa: compilateur du Veda, fils de Parâsara
Çuka: fils de Vedavyâsa, guru de Gaudapâda
Gaudapâda: auteur des Kârikâ sur la Mândûkya-Upanishad
Govinda Bhagavatpâda: guru de Çankara
Çankara: incarnation plénière de Çiva

3-8 : transmission de père à fils (vamçaparamparâ)

8-10 : transmission de maître à disciple (çishya-paramparâ)


(Par Ralph Stehly, Professeur d'histoire des religions, Université Marc Bloch, Strasbourg. Site : stehly.chez-alice.fr)
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Adi Shankaracharya, fondateur de l'Advaïta Vedanta Empty Re: Adi Shankaracharya, fondateur de l'Advaïta Vedanta

Message par Greenman Mar 20 Mar 2012 - 14:35

Texte de Shankara :


Dû à l'illusion, le monde apparaît faussement dans le Soi
dont la nature est vérité, connaissance et félicité.
Tel un rêve dû à l'illusion du sommeil, il n'est pas réel.
Pur, plein, éternel et unique, je suis la Réalité.

Je n'ai ni naissance ni croissance ni mort.
Toutes ces caractéristiques de la nature sont dites pour le corps.
La condition d'agent en premier n'est pas à mon soi de
pure Conscience, mais seulement à l'ego. Je suis la Réalité.

A part mon Soi, rien d'autre ici n'existe.
En vérité, le monde extérieur est un objet produit par illusion,
Comparable à une image dans un miroir.
Il apparaît en moi qui suis la Non-dualité. Je suis donc la Réalité.

Il n'y a ni précepteur ni précepte, ni disciple ni acte d'enseigner, ni toi ni moi ni ce monde. La connaissance de sa propre nature exclut le doute. Je suis donc unique, ultime, propice et pur.

De plus, puisque le Soi est tout pénétrant, qu'il est appelé le Bien suprême, qu'il est Sa propre preuve et qu'il n'a d'autre substrat que Lui-même, tout l'univers différent de Lui est irréel. Je suis donc unique, ultime, propice et pur.

L'élan vers la délivrance est le désir fervent qui pousse l'aspirant à s'affranchir, en réalisant sa véritable nature, de toutes les formes de servitude, depuis celle du sentiment du moi jusqu'à celle du corps grossier, car, de la première à la dernière, elles ne sont que des surimpositions de l'ignorance.

Entre tous les moyens qui concourent à la libération, c'est à la dévotion que revient la place d'honneur. L'effort auquel se livre l'aspirant pour réaliser sa propre et véritable nature, nous lui donnons le nom de " dévotion " .

Quiconque s'efforce de réaliser le Soi et, tout à la fois, accorde à ce corps grossier une attention excessive, agit comme cet insensé, qui pour traverser une rivière, croit prendre appui sur un tronc d'arbre, alors qu'il serre un crocodile entre ses bras !

Ce corps physique, composé de peau, de chair, de sang, d'artères, de veines, de graisse, de moelle et d'os, Doit être l'objet de ton mépris ! N'est-il pas, au surplus, rempli de substances vénéneuses ?

Celui qui observe tout le spectacle, mais que nul spectateur n'a jamais observé ; celui qui illumine tous les objets, y compris l'intellect, mais qu'aucun d'eux ne saurait illuminer - c'est l'Absolu] !

Pour s'affranchir de toute sujétion, l'homme sage doit discerner le Soi et le non-Soi ; c'est par la discrimination seule qu'il connaîtra son propre Soi en tant que "sat - chit - ananda", et qu'il goûtera le vrai bonheur.

Certes, il est à jamais libéré celui qui - aussi aisément que s'il avait à séparer une tige de graminée de sa graine enveloppante - sait discriminer les objets des sens et le Soi - Ce Soi qui est toujours présent dans la caverne du cœur - Ce Soi absolument inconditionné - Ce Soi qui n'agit pas. La discrimination faite, l'aspirant peut immerger en ce Soi tous les objets de l'Univers. Et s'établir à demeure en l'état de parfaite identification avec "Cela".

L'identification dont tu es actuellement victime, a pour siège le corps physique. Transfère cette identification au Soi lequel est " sat-chit-ananda ". Abstiens-toi également de t'identifier avec le corps subtil : sois jaloux de ta solitude, jaloux de ton indépendance !

Quand les désirs égoïstes foisonnent, les actes se multiplient, et, si l'activité intéressée s'intensifie, le désir se trouve encore renforcé. la transmigration est ainsi pour l'homme une servitude éternelle.

Lorsqu'on s'abstient d'actes inspirés par le sentiment du moi, on ne s'échauffe plus pour les objets des sens, et la destruction des désirs s'ensuit tout naturellement. Or, la destruction des désirs n'est pas autre chose que la délivrance ; voilà ce qu'on appelle la libération en ce corps de chair [jivanmukti].

Lorsqu'un disciple, si réfléchi qu'il soit, conserve à son insu quelque désir pour un objet des sens, il paie cher son inadvertance ; les mauvaises propensions de la buddhi lui infligent d'interminables tourments : le souvenir d'une femme passionnément aimée hante sans trêve la mémoire de l'amant solitaire.

Maîtriser ce pouvoir de projection avant que le pouvoir d'obnubilation ait été réduit à l'impuissance, C'est une tâche ardue, mais le recouvrement qui masque le Soi, se dissipe de lui-même, Dès que l'aspirant est capable de distinguer le Sujet des objets, aussi aisément que le lait de l'eau. La victoire n'est toutefois, sans appel - les obstacles ne sont définitivement surmontés, qu'au moment où les objets irréels du monde extérieur ne font plus naître dans le mental la plus légère oscillation.

La discrimination parfaite qu'amène la réalisation personnelle permet de reconnaître instantanément la véritable nature du Sujet et celle de l'objet, Et de secouer le joug de l'illusion créée par maya [la création]. L'existence phénoménale prend fin quand ce joug est brisé.

C'est parce qu'il est inébranlablement établi en la Réalité que cet homme, dans un élan suprême, Sacrifie tout attachement extérieur pour les objets des sens et tout attachement intérieur pour le sens du moi.

Les objets des sens sont de dangereux poisons ; repousse tout désir qui te porterait vers eux ! Vois en un tel désir l'image même de la mort ! Rejette tout orgueil que la caste, la lignée ou le stade d'existence pourraient encore t'inspirer ! Tiens-toi à bonne distance de l'action ! Cesse de t'identifier avec ces choses irréelles : le corps, le mental, etc..., et dirige toutes tes pensées vers le Soi. En vérité, tu es l'indestructible Témoin ; tu es la Réalité, libre à jamais de la servitude du mental ; tu est l'Un sans second ; tu es, Toi-même, le Suprême.

La délivrance consiste - non pas à abandonner le corps grossier comme le sannyasin itinérant abandonne son bâton ou son écuelle - mais à extirper de soi tout attachement, car l'attachement et l'ignorance ne font qu'un.

Source : Inner-quest
http://www.inner-quest.org

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Message par Greenman Mar 20 Mar 2012 - 14:36

Nirvânashatkam ou Six strophes sur l'extinction
(Adi Shankaracharya)


I
"Je ne suis pas le mental, ni l'intellect,
Ni l'égo, ni la pensée ;
Je ne suis ni l'ouïe, ni le goût,
Ni l'odorat, ni la vue ;
Je ne suis ni l'espace, ni la terre,
Ni le feu, ni l'air,
Forme de la Bienheureuse Conscience,
Je suis Shiva, je suis Shiva !

II
Je ne suis pas le soufle de vie,
Ni les cinq vents corporels,
Ni les sept fluides corporels,
Ni les cinq enveloppes,
Je ne suis aucun des cinq organes :
Forme de la Bienheureuse Conscience,
Je suis Shiva, je suis Shiva !

III
Je ne subis ni aversion, ni attirance,
Ni avidité, ni égarement ;
Je n'éprouve ni orgueil, ni envie ;
Je n'ai ni contrainte, ni intérêt, ni désir,
Ni délivrance à espérer :
Forme de la Bienheureuse Conscience,
Je suis Shiva, je suis Shiva !

IV
Il n'y a pas pour moi d'actes purs ou impurs,
Pas de plaisir ni de souffrance,
Ni d'incantations rituelles, ni de lieux saints,
Ni veda, ni sacrifice ;
Je ne suis ni la jouissance,
Ni l'objet de la jouissance, ni le jouisseur :
Forme de la Bienheureuse Conscience,
Je suis Shiva, je suis Shiva !

V
Je ne connais ni la mort, ni le doute,
Ni les distinctions de caste ;
Je n'ai ni père, ni mère,
Je ne suis jamais né ;
Je n'ai ni amis, ni parents,
Ni maître, ni disciple :
Forme de la Bienheureuse Conscience,
Je suis Shiva, je suis Shiva !

VI
Je ne suis pas soumis à l'impermanence,
Ma forme est au-delà de la forme ;
Toujours immanent aux organes des sens,
Je ne connais ni la délivrance, ni l'esclavage :
Forme de la Bienheureuse Conscience,
Je suis Shiva, je suis Shiva !"

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Message par Greenman Mar 20 Mar 2012 - 14:38

Bhaja Govindam ou "Adore Govinda"
(Adi Shakaracharya)


"1- Adore Brahman, Vénère Brahman, Chante Brahman ! Tu es fou de penser que tes règles de grammaire au jour de ta mort pourraient bien t’aider.

2- Tu es fou! Abandonne cette idée d’entasser, tourne ton esprit vers ce qui est réel et jouis du fruit des actes du passé.

3- Il ne faut pas te noyer dans l’illusion des passions et des plaisirs qui viennent d’un nombril ou d’un torse. Ce ne sont que des variations sur le thème de la viande, et ne faiblit pas quand tu dois te le rappeler à toi-même, encore, et encore.

4- La vie d’un homme est aussi incertaine que l’est la goutte qui tremble sur la feuille du lotus, alors sache que ce monde est la proie de la maladie, de l’Ego et des peines.

5- Aussi longtemps qu’un homme est fort et capable de nourrir sa famille, vois l’affection que tous lui portent. Mais nul dans sa maison ne prendra peine de lui dire un seul mot quand son corps fléchira par son âge.

6- Tant qu’il est vaillant, les membres de sa famille s’enquièrent de son bien-être, mais dés que l’âme partira du corps, même sa propre épouse s’enfuira en voyant sa dépouille.

7- L’enfance est passée à jouer. La jeunesse s’attache aux femmes. La vieillesse se meurt à ruminer les choses du passé. Mais bien peu prennent le temps de s’intéresser à ce qui fait l’universel.

8- Qui est ton épouse ? Qui est ton fils ? Comme cette boucle [samsara] est étrange ! De qui viens tu et d’où ? Frère, questionne-toi sur ces vérités-là.

9- De la compagnie des sages vient le détachement, le détachement libère de l’illusion et mène la réalisation qui conduit à être libéré-vivant.

10- A quoi bon le désir quand la jeunesse est morte ? Que faire de tout un lac qui n’aurait plus d’eau ? Où est cet équipage quand la prospérité s’est évanouie ? Que dire de l’apparente multiplicité du monde si la vérité est connue ?

11- Ne te vante pas trop de ta richesse, de tes amis ou de ta jeunesse car chacun d’eux peut être détruit en moins d’une seconde et libère toi des illusions de ce monde d’apparence pour atteindre la vérité éternelle.

12- Jours et nuits, aubes et crépuscules, hivers et printemps vont et viennent. Le temps joue comme la vie s’éteint. Mais l’orage de nos désirs jamais ne renonce.

13- Oh fou que tu es ! Pourquoi cette obsession de la richesse ? Y-a-t-il quelqu’un qui te guide ? Il n’y a qu’une chose parmi les trois mondes pour te sauver du tourbillon de l’océan de tes vies. Viens et monte vite dans le bateau qui vogue vers ta réalisation.

14- Il y en a qui vont les cheveux emmêlés, d’autres avec le crâne fraîchement rasé, d’autres s’arrachent les cheveux, d’autres s’habillent de safran et d’autres de couleurs variées. Cela est juste un gagne-pain. Tu sauras avant eux toute la vérité quand ces fous à jamais ne la verront pas.

15- La force a laissé le corps de cet homme vieux, sa tête est devenue chauve, ses dents ont quitté ses gencives et il tient sur des béquilles. Même alors il s’accroche et s’arrime fermement à des désirs qui ne porteront nul fruit.

16- Voici donc l’homme qui chauffait son dos et sa face au soleil et qui la nuit venue se blottit pour éloigner le froid; il mange dans son bol la nourriture qui convient au mendiant et dors sous l’arbre. Quand bien même tout cela, il n’est qu’une poupée aux mains de ses passions.

17- Celui là peut bien aller dans la ville sainte en pèlerinage, jeûner, faire la charité, puisqu’il est ignorant rien ne peut le sauver de cents autres naissances.

18- Prenant résidence dans un temple ou bien dessous un arbre, s’habillant de peau et dormant parterre, lâchant ses attaches et renonçant au confort, celui-là pourtant pris pour un saint est-il seulement content ?

19- Celui-là qui prend plaisir aux pratiques et aux rituels peut bien avoir ou pas un attachement. Mais seul celui qui fermement ancre son esprit dans l’univers peut jouir de la béatitude.

20- Qu’un homme lise un peu de texte sacré, boive un peu d’eau du Gange, adore quelque dieu et il n’aura alors pas de combat avec la mort.

21- Né, encore, la mort, encore, à nouveau la naissance dans la maternelle matrice ! Comme il est difficile de traverser cet océan [du samsara]. Oh Brahman ! Sauve moi de cela!

22- Il ne manque pas de vêtement, le sage errant, quand il y a quelques loques au bord du chemin. Libéré du vice et de la vertu, il marche. Celui qui vit en harmonie avec l’univers vit dans la béatitude, pur, net, comme un enfant ou comme quelqu’un qui n’aurait pas encore bu le poison.

23- Qui es-tu ? Qui je suis, moi ? D’où est-ce que je viens ? Qui furent ma mère et mon père ? Réfléchis donc à tout ce qui n’a pas d’essence et laisse de monde qui n’est qu’une chimère.

24- En moi, en toi, en tout, habite la même saveur. Ta colère et ton impatience n’ont pas de sens. Si tu veux atteindre cet état bientôt, sois toujours égal.

25- Ne perds pas ton énergie à gagner l’amour ou à combattre tes amis ou tes ennemis, tes enfants ou tes parents. Vois toi en eux tous et laisse derrière toi cette impression qu’ils seraient des autres.

26- Laisse les désirs, la colère, la fierté, l’avidité et considère ta vraie nature puisque les fous sont ceux qui sont aveugles d’eux-mêmes et jetés dans cet enfer souffrent sans fin.

27- Souvent récite, médite sur Brahman dans ton cœur, chante ses milles gloires. Prends plaisir au noble et au sacré.

28- Celui qui cède à ses obsessions laisse son corps à la maladie et bien que la mort lui apporte une fin, jamais il ne laissera son âme malade.

29- La richesse n’est pas le bonheur et il n’y a vraiment nulle joie en elle. Pense à cela tout le temps. L’homme riche a peur de son propre fils, c’est la malédiction de l’argent partout.

30- Contrôle ton souffle, ne sois pas affecté par les influences extérieures et sépare le vrai du futile. Chante le sacré et fais taire l’esprit turbulent, fais cela avec soin, avec un soin extrême.

31- Oh vénérant au pied du lotus ! Sois bientôt libre de toutes les boucles. Au travers des sens maîtrisés et de l’esprit contrôlé, tu feras l’expérience du Dieu qui réside dans ton coeur.

32- Ainsi le grammairien stupide qui était perdu dans les règles, a nettoyé sa vue et montré la lumière.

33- Adore Brahman, vénère Brahman, chante Brahman, Oh fou que tu es ! Rien d’autre que ce chant ne t’aidera à traverser l’océan de ta vie"

* (le terme Brahman remplace Govinda et Murari, et désigne ici l'Absolu, le Dieu universel qui englobe toute la création, y compris nous mêmes).

sunny


Dernière édition par Greenman le Mer 21 Mar 2012 - 0:31, édité 1 fois
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Message par Greenman Mar 20 Mar 2012 - 14:39

Prâtah Smaranam ou Méditation du matin
(Adi Shankaracharya)

"A l'aube je me souviens du Soi
qui brille dans le Coeur,
qui est Etre-Conscience-Béatitude,
qui est le but à atteindre
par les samnyâsin paramahamsa,
dit "le Quatrième",
car il se situe au-delà des trois états
de veille, rêve et sommeil profond.
Je suis ce Brahman indivisible
et non l'agrégat des cinq éléments.

A l'aube, j'adore Cela
qui est au-delà de la pensée et la parole,
mais par qui la parole rayonne :
ce que les Textes définissent
comme n'étant "ni ceci ni cela",
le Dieu parmis les dieux,
le Non né, Immuable, Suprême.

A l'aube je rend hommage
au suprême Purusha
au-delà des ténèbres,
resplendissant comme le Soleil,
lui qui est la Plénitude, l'Eternel,
hors de qui rien n'existe,
que l'on prend pour l'Univers,
à la manière d'une corde
que l'on prend pour un serpent.

Celui qui, tous les jours à l'aube,
récite ces trois stances salutaires,
splendeur des trois mondes,
celui-là atteint le Suprême."

sunny
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Message par Greenman Mar 20 Mar 2012 - 14:41

Et un texte essentiel de Shankara :

"La Connaissance du Soi"
(Sri Adi Shankarachârya)


1- Ce traité intitulé "Connaissance du Soi", est destiné à ceux dont les péchés ont été abolis par les austérités et qui, avec un mental tranquille et libre de tout attachement, aspirent à la libération.

2- Comparée à tous les autres moyens, la connaissance est le seul moyen direct pour la libération. De même qu'il est impossible de cuire sans feu, de même la libération est impossible sans connaissance.

3- Le rituel ne peut pas dissiper l'ignorance, parce qu'entre eux il n'y a pas de contradiction mutuelle. Mais la connaissance, sûrement, détruit l'ignorance, de même que la lumière détruit la plus dense obscurité.

4- Le soi apparaît comme conditionné par l'effet de l'ignorance. Quand celle-ci est détruite, le soi non-conditionnel brille de sa propre lumière, tel le soleil quand les nuages sont dissipés.

5- Ayant purifié, en suivant avec persévérance les instructions, l'âme qui est rendue trouble par l'ignorance, la connaissance elle-même doit s'effacer, comme la pâte du gravier nettoyant le fait avec l'eau.

6- Le monde phénoménal, qui abonde en désir, haine, etc., est, en vérité, comme un rêve. Tant qu'il dure, il semble réel. Mais lorsqu'on s'éveille, il devient irréel.

7- Telle l'illusion d'argent dans l'opale, le monde parait réel jusqu'au moment ou le soi suprême, l'immuable réalité derrière toutes choses, est réalisé.

8- Telles les bulles dans l'eau, les mondes naissent, se maintiennent et se dissolvent dans le Seigneur Suprême qui est la cause matérielle et le fondement de toutes choses.

9- Sur l'Eternel Vishnou (qui est la pure existence et la pure conscience) servant de base, les diverses apparences sont incrustées, tels les bracelets et autres formes faits d'or.

10- Tel l'espace, le Seigneur Vishnou, en venant en contact avec les différentes conditions, apparaît comme différent en raison de leurs différences, mais est perçu comme non-différencié quand ces conditions sont détruites.

11- C'est seulement à cause des diverses conditions que caste, nom, périodes de vie religieuses, etc., sont imposées sur le soi, de même que le goût, la couleur et d'autres attributs sont imposés à l'eau.

12- Le lieu pour faire l'expérience du bonheur et de la tristesse, qui est fait des quintuples composés des grands éléments et dont la formation résulte d'actions passées, est appelé le corps (dense).

13- L'instrument de jouissance, qui est fait d'éléments non-composés et consiste en les cinq forces vitales, le mental, la conscience et les dix sens, est le corps subtil.

14- L'illusion sans commencement, qui est indéfinissable, et appelée le corps causal. L'on doit comprendre que le soi est autre que ces trois corps (ou conditions).

15- Le pur soi, à cause de ses relations avec les cinq enveloppes, etc., se pare de leurs natures respectives, tel un cristal reflétant un tissu de couleur.

16- L'on doit séparer le grain du pur soi intérieur de la balle constituée par le corps et les autres enveloppes, grâce au battage fait par la raison.

17- Bien que le soi soit en tout temps et dans toutes choses, il ne peut briller nulle part, sauf dans la conscience, tout comme une réflexion ne peut apparaître que sur une surface polie.

18- L'on doit comprendre que le soi doit toujours être comme un roi, différent du corps, des sens, du mental, de la conscience, ainsi que des yeux, les témoins de leurs activités.

19- A l'homme dénué de discernement, le soi apparaît comme actif, tandis qu'en réalité ce sont les sens (seuls) qui le sont, de la même façon que la lune est vue comme si elle court, alors que ce sont les nuages qui se déplacent.

20- Le corps, les sens, le mental et la conscience vaquent à leurs propres activités tout en dépendant de la conscience du soi, de même que les hommes dépendent de la lumière du soleil.

21- Par manque de discernement, les hommes attribuent les qualités et les activités du corps et des sens au soi, qui est pure existence et pure conscience, de la même façon que la couleur bleue est attribuée au ciel.

22- De plus, la nature agissante, qui appartient au mental conditionneur, est attribuée au soi, tout comme le mouvement de l'eau est attribué au reflet de la lune sur celle-ci.

23- Les passions, les désirs, le bonheur, la tristesse, etc. exercent leur fonction quand la conscience est présente, et n'existent pas dans le sommeil profond alors que la conscience est absente. Ils appartiennent, par conséquent, à la conscience, non au soi.

24- De même que la lumière est la nature même de soleil, que la froideur est celle de l'eau, que la chaleur est celle du feu, de même l'être-té, la conscience, la félicité, l'éternité et le caractère absolu sont la nature même du soi.

25- Par le fait, dû au manque de discernement, de confondre l'aspect "être et conscience" du soi avec la fonction de la conscience individuelle, naît l'idée : "Je sais".

26- Le soi ne subit pas de modification, ni la connaissance ne peut émerger d'aucune façon de la conscience individuelle (seule). Et pourtant, l'on s'imagine, par ignorance, que l'âme individuelle sait, fait et voit bien toutes choses.

27- En prenant, par erreur, le soi pour l'âme individuelle, comme on prend une corde pour un serpent, l'on est sujet à la peur. Mais si l'on se rend compte que "Je ne suis pas l'âme individuelle, mais le Soi Supérieur", alors on est libéré de la peur.

28- Le soi seul illumine la conscience, les sens, etc., de même que la lumière fait apparaître le pot et d'autres objets ; (mais) notre propre soi n'est pas illuminé par ces objets illuminables.

29- La nature du soi étant la connaissance, elle ne dépend, par la connaissance d'elle-même, d'aucune autre connaissance, de la même façon qu'une lumière n'a pas besoin d'une autre lumière pour se révéler.

30- En éliminant routes les limitations avec l'aide de la formule "pas ceci, pas ceci", l'on prendra conscience de l'identité de l'âme individuelle et du soi suprême au moyen des enseignements des écritures.

31- Le corps et les autres objets de perception sont les produits de l'ignorance et sont aussi évanescents que des bulles. Le soi, qui est non-conditionné, est distinct de ces objets et doit être compris comme "Je suis Brahman".

32- La naissance, la vieillesse, la décrépitude, la mort, etc., ne sont pas moi, parce que je suis distinct du corps. Le son et les autres objets des sens n'ont pas de liens avec moi, car je ne suis pas les sens.

33- Je ne suis pas le mental ; par conséquent, la tristesse, le désir, la haine, la peur, etc., ne m'affectent pas. Comme cela est affirmé par les écritures, le soi n'est ni les sens ni le mental, mais est inconditionné.

34- Je suis sans attribut, sans fonction, éternel, sans doute, sans tache, sans changement, sans forme, éternellement libre et non conditionné.

35- Tel l'éther, j'imprègne toute chose, intérieurement et extérieurement. Je suis impérissable, à jamais la (vérité) établie, semblable à tous, sans attache, non-conditionné, imperturbable.

36- Je suis le suprême Brahman même, qui est la réalité, la connaissance et l'infirmité, qui est à jamais non-conditionné et libre, l'unique et indivisible félicité qui est sans seconde.

37- Le fait d'imprimer constamment au mental la phrase "je suis seulement Brahman" fait disparaître la turbulence de l'ignorance, comme l'élixir de vie guérit tous les maux.

38- Assis dans un endroit retiré, libre de toutes passions, avec les sens subjugués, l'on doit contempler ce soi unique et infini, sans penser à rien d'autre.

39- Un homme sage doit, par son intelligence, immerger dans le soi tout ce qui est objectif et contempler l'unique soi qui est comme l'espace illimité.

40- Celui qui a réalisé la vérité suprême abandonne tout, forme, caste, etc. et s'établit, par nature, dans (le soi, qui est) la conscience et la félicité infinies.

41- La distinction entre le connaisseur, la connaissance et le connu n'existe pas pour le soi-suprême. Etant l'unique conscience et félicité, il brille par lui seul.

42- La flamme de la connaissance qui est attisée par le constant remou (par la méditation) exerce sur le bois (du soi), consumés entièrement l'huile de l'ignorance.

43- Lorsque la connaissance a détruit l'ignorance, le soi se manifestera, de la même façon que le soleil se lève aussitôt que l'aurore du jour a dissipé l'obscurité.

44- Le soi qui est à jamais en nous, apparaît, par ignorance, comme s'il ne pouvait être trouvé, et lorsque cette (ignorance) est détruite, il est trouvé, tel son propre collier.

45- La condition de l'âme individuelle a été imprimée sur Brahman par l'illusion, comme une forme humaine sur un poteau, mais elle disparaît dès qu'on a pris conscience de la vraie nature de l'âme individuelle.

46- La connaissance, qui naît de la prise de conscience de sa propre nature, détruit d'elle-même l'illusion du "je" et du "mien", qui ressemble à la confusion entre les directions.

47- Le yogui qui a obtenu la réalisation juste voit toutes choses, par l'oeil de la connaissance, comme existant en son propre soi, et l'unique soi comme toutes choses.

48- Il voit toutes choses comme son propre soi, de la même façon que l'on voit des pots comme simplement de l'argile ; (car) tout cet univers est seulement le soi, et il n'y a rien d'autre que le soi.

49- L'état de libéré-vivant signifie que la personne sage, ayant abandonné ses limitations et qualités passées, et acquérant les propriétés de l'être, de la conscience et de la félicité, atteint Brahman, de la même façon que la chenille devient papillon.

50- Ayant traversé l'océan de l'ignorance et tué les démons des attractions et répulsions, le voyeur, uni à la tranquillité, est suprêmement heureux dans la jouissance de la félicité de son propre soi.

51- Laissant de coté tout attachement aux plaisirs extérieurs et transitoires, et heureux dans la félicité du soi, une telle personne, pour toujours, brille intérieurement, telle une lumière dans un globe.

52- Le voyeur, bien que demeurant au milieu des limitations, n'est cependant, comme l'espace, plus affecté par leurs qualités. Connaissant tout, il doit être comme quelqu'un qui ne sait rien et doit errer, sans attache, comme le vent.

53- Quand les limitations disparaissent, le voyeur se fond sans réserve dans le Suprême (Vishnou), comme l'eau dans l'eau, l'espace dans l'espace, la lumière dans la lumière.

54- Acquisition qu'aucune acquisition ne dépasse, félicité à laquelle aucune félicité n'est supérieure, connaissance insurpassée par aucune connaissance-cela, comprends-le, est Brahman.

55- Voyant ce que rien d'autre ne reste à voir, devenant ce que rien ne redevient, sachant ce que rien d'autre ne reste à savoir-cela, comprends-le, est Brahman.

56- Ce qui pénètre tout, autour, au-dessus, en-dessous, qui est être, conscience et félicité, qui est sans second, sans fin, éternel, unique-cela, comprends-le, est Brahman.

57- L'immuable, l'unique félicité ininterrompue, qui est désignée par le Védanta par l'exclusion ce qui n'est pas elle-même – cela, comprends-le, est Brahman.

58- Le Brahma (à quatre faces) et les autres, qui ne sont que des parties de ce soi qui est la félicité non-interrompue, deviennent heureux, chacun à son niveau, par la possession d'une petite portion de cette félicité.

59- Chaque objet (est tel parce qu'il) possède cela. Toute activité a en elle un courant de la conscience qui le traverse. Le Soi Suprême, ainsi, imprègne l'univers entier, comme le beurre est présent dans toutes les parties du lait.

60- Ce qui n'est ni subtil ni dense, ni court ni long, qui est non-né, immuable, dépourvu de forme, de qualité, de caste ou de nom, – cela, comprends-le, est Brahman.

61- Ce dont la lumière est irradiée par le soleil, mais qui n'est pas illuminé par ces choses qui sont illuminables, et par la vertu duquel tout cet univers (brille) – cela, comprends-le, est Brahman.

62- Pénétrant l'univers entier, intérieurement et extérieurement, et l'illuminant, le Brahman brille par lui-même ; tel une boule de fer incandescente.

63- Le Brahman est distinct de l'univers. Il n'y a rien d'autre que Brahman. Si quelque chose d'autre que Brahman est perçue, elle est aussi irréelle que le mirage dans le désert.

64- Tout ce qui est vu ou entendu, autre que Brahman, ne peut être (réel). Même cela est Brahman, l'être sans second, la conscience et la félicité, quand la réalité est connue.

65- Celui qui a l'oeil de la connaissance voit Brahman qui est l'être, la conscience et la félicité, dans toutes choses ; mais celui qui n'a pas l'oeil de la connaissance ne peut voir ainsi, de même que l'aveugle ne peut voir le soleil brillant.

66- L'âme individuelle, fondue dans le feu de la connaissance allumé par l'instruction, est libérée de toute teinte, tel l'or, et brille par elle-même.

67- Le soi est le soleil de connaissance qui, s'élevant au firmament du coeur, dissipe les ténèbres de l'ignorance et, pénétrant tout, soutenant tout, brille et fait tout briller.

68- Celui qui, non-affecté par (les limitations de) la direction, de l'espace, du temps, etc., et parfaitement tranquille, atteint le saint des saints du soi, qui pénètre tout, est sans tache, l'éternelle félicité qui dissipe (toutes les qualités) telles que la chaleur et le froid – il devient tout connaissant, tout-pénétrant et immortel.
Ainsi finit La Connaissance du Soi

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Message par Greenman Mar 20 Mar 2012 - 15:09

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Râmânuja (1077-1157)

Le Viçishta-advaïta ou non-dualisme qualifié


Le principal "opposant" ou philosophe "complémentaire" à Shankara fut Ramanuja.

La doctrine de Râmânuja (1077-1157) porte le nom de Viçistha-advaita ou non-dualisme qualifié.

Où se situe la différence avec la doctrine de Çankara ?

Tout le monde est d'accord qu'il n'y a qu'une seule réalité, un seul réel sans second. Seul le Brahman existe.

Mais, alors que pour Çankara ce réel est homogène, sans différenciation, pour Râmânuja, il est différencié et structuré. Cette structure, c'est l'univers que nous avons sous les yeux. Le monde est donc réel. Il n'est pas de l'ordre de l'illusoire.

Quelle est la justification que Râmânuja apporte à sa thèse ?

Ces justifications sont d'ordre épistémologiques: elles portent sur la question des sources de la connaissance (prâmâna). Traditionnellement, le Vedânta en admet trois:

1) La perception sensorielle immédiate (pratyaksha): c'est ce qui tombe sous les sens, y compris les sens intérieurs. Les sciences exactes sont basées là-dessus.

2) La déduction logique, le syllogisme. Exemple: prémisse: il n' y a pas de fumée sans feu. Observation: j'aperçois de la fumée. Déduction: j'en déduis qu'il y a du feu, parce qu'un feu est toujours accompagné de fumée.

3) La Révélation, c-à-d le Veda.

Râmânuja pose alors la question: Çankara affirme qu'il n'y a qu'une seule réalité non-différenciée. Quelles sont les sources de cette affirmation ?

1) Est-ce que la perception permet d'affirmer que le réel est non-différencié ? Réponse: non, tout ce que nous voyons est différencié. Nous voyons différentes couleurs, des arbres divers, des animaux divers, des hommes divers...

2) Le Veda non plus. Tout le monde, dit Ramanuja, admet que le Veda est le reflet exact de l'Univers, il en est le modèle. Or le Veda est un discours fait de mots. Ce discours est donc différencié. Déjà, à l'intérieur de chaque mot, il y a différenciation: la racine est suivie d'un suffixe et est éventuellement précédée d'un préverbe. Puisque le Veda représente le réel, et que le Veda est différencié, l'univers lui-même est différencié.

Quel est alors la nature de la relation de ce monde différencié au Brahman ? Cette relation est du même ordre que le corps à l'âtman chez l'être humain. L'âme anime le corps. A l'échelle de l'univers, c'est la même chose: le Brahman est l'âme de l'univers, il anime l'univers, et l'univers est donc le corps du Brahman, étant entendu que l'univers est relié éternellement au Brahman et que les deux ne forment qu'un: a-dvaïta, non-dualisme.

Il y a donc dans le Vedânta deux réponses à la question de la nature de la relation de l'univers à l'Absolu:

1) La réponse de Çankara: l'univers est le reflet illusoire du Brahman

2) La réponse de Râmânuja: l'univers est le corps du Brahman

Les conceptions de Dieu et de la relation à Dieu chez Shankara et Râmânuja

Là aussi la différence est nette entre les deux écoles.

1) Pour Çankara, l’Absolu est ultimement indéfinissable, il est homogène, sans qualification. On ne peut donc pas lui rendre un culte. On ne peut que tenter de se fondre en lui par le samâdhi.

Qu’en est-il alors des dieux personnels y compris l’Îçvara, le Seigneur suprême de la dévotion hindoue (qui se situe au-dessus du samsâra, par opposition aux deva-s, les divinités à karman. Même, l’Îçvara correspond déjà à un obscurcissement de l’Absolu, il n’est pas l’Absolu sous sa forme la plus haute, il représente la nature inférieure du Brahman.

Ce qui ne veut pas dire que le culte rendu à l’Îçvara soit illégitime. Bien au contraire, le culte rendu à un dieu personnel est légitime dans un premier temps, dans un premier stade pour l’homme qui aspire à la libération Çankara ne rejette donc pas la dévotion, il la relativise simplement. Il a d’ailleurs composé plus de 60 hymnes dévotionnels, dont le fameux Nirvânaçatkam " Six stances sur le Nirvâna " consacré à Shiva.

Mais un jour, dans l’esprit de Çankara, le niveau des rites et des prières doit être dépassé pour arriver à voir le Brahman et se fondre en lui. Cf le Daçasloki, où Shiva désigne le Brahman absolu:

Je ne suis ni l'esprit ni l'intellect ni la pensée ni le sens du moi. Je ne suis ni l'ouïe ni le goût ni l'odorat ni la vue. Je ne suis ni l'espace ni la terre ni le feu ni l'air. Je suis Intelligence et Félicité pures.
Je suis Çiva, Je suis Çiva.
Je ne suis pas le souffle vital ni les cinq vents (panca vâyuh). Je ne suis ni les sept composantes du corps ni les cinq fourreaux. Je ne suis pas les cinq organes d'action. Je suis Intelligence et Félicité pures.
Je suis Çiva, Je suis Çiva.
Je ne possède aucune aversion, aucune attirance, nulle avidité, nul égarement.
Je n'éprouve ni orgueil ni envie.
Je n'ai pas d'obligations, pas d'intérêts, pas de désirs, pas d'affranchissement à souhaiter.
Je suis Intelligence et Félicité pures.
Je suis Çiva, Je suis Çiva.
Pour moi n'existent ni les bonnes actions ni les souillures ni le
plaisir ni la souffrance. Point non plus n'existent les incantations rituelles, les lieux saints,
les Veda ou l'acte sacrificiel. Je ne suis ni la jouissance ni ce dont on peut jouir ni non plus
l'agent de la jouissance. Je suis Intelligence et Félicité pures.
Je suis Çiva, Je suis Çiva.
Je ne connais ni la mort ni le doute ni les distinctions de caste.
Point de père ni de mère. Je n'ai jamais pris naissance.
Je n'ai aucun ami, aucun parent, point de maître, point de disciple.
Je suis Intelligence et Félicité pures.
Je suis Çiva, Je suis Çiva.
Je suis sans déterminant, sans forme.
Par mon ubiquité, je ne suis pas sans relation avec tous les organes des sens.
Je ne connais ni l'affranchissement ni la servitude. Je suis Intelligence et Félicité pures.
Je suis Çiva, Je suis Çiva.



2) Par contre, pour Râmânuja, le Brahman, c’est Vichnou conçu comme une personne, c’est la Personne Suprême (purushottama), objet d’adoration.

Contrairement au Brahman de Çankara qui ne se définit que négativement, l’Absolu de Râmânuja possède toutes les qualités à un degré infini:

" Par le terme de Brahman, on entend la Personne Suprême dont toute imperfection est exclue et qui est revêtue d’une multitude innombrable de qualités auspicieuses, d’une excellence sans limite ".

Le Brahman, c’est Vichnou en tant qu’Îsvara, en tant que Seigneur unique, et donc en tant qu’il est Vichnou, le Brahman peut être adoré, tandis que pour Çankara on n’atteint que la forme inférieure du Brahman, cf. le bel hymne de Râmânuja à Nârâyana, c-à-d à Vichnou:

Or donc le Seigneur de Çrî.

Incompatible en Sa nature avec tout ce qui est indésirable ;

Dont la forme propre n'est que connaissance et béatitude infinies ;

Grand océan de multitudes innombrables de qualités excellentes, essentiellement illimitées et surabondantes dans l'ordre de la connaissance (et) de la puissance, de la force, de la domination, de l'héroïsme et de l'ardeur ;

Trésor de qualités infinies, chères à Son cœur, conformes à Son inclination profonde, sans discordances, inconcevables, divines, admirables, éternelles, irréprochables, insur-passables, telles que l'éclat, la beauté, la grâce, la jeunesse ; de forme divine ;

Paré d'ornements appropriés à Sa nature, dans lesquels Il trouve sa joie, divers, variés, infiniment merveilleux, éternels, irréprochables, sans limites, divins ;

Equipé d'armes conformes à Sa nature, innombrables, d'une inconcevable puissance, éternelles, irréprochables, insurpassables, excellentes, divines ;

Doué d'une forme propre, de qualités, d'une majesté, d'une souveraine domination, chères à Son cœur, conformes à son inclination profonde, éternelles, irréprochables ;

Bien-aimé de Çrî pour la multitude des qualités illimitées, surabondantes, innombrables, excellentes que sont Ses vertus... ;

Dont les deux pieds sont incessamment loués par les sages innombrables, doués de multitudes de qualités infinies dans l'ordre de la connaissance (et) de l'action, irréprochables et insurpassables,

N'ayant de repos et de délices qu'en ce surplus de Son être, qui dépasse la complétude du leur, et qui tout ensemble constants en leur nature essentielle et diligents en la diversité des actions extérieures, se conforment toujours à Sa volonté ;

Qui, parce que Sa forme propre et Sa nature sont telles que la parole et la pensée ne les peuvent circonscrire, est doué d'une gloire infiniment grande et merveilleuse, abondante en objets, moyens et lieux d'expérience heureuse, infinis, variés, chers à Son cœur ;

Dont les dimensions sont infinies ;

Éternel ;
Impérissable ;
Irréprochable ;
Inaltérable ;
Siège de l'essence suprême ;

Qui se joue à faire surgir, se développer et se résorber l'univers rempli de la diversité et variété des objets et sujets d'expérience affective ;

Le suprême Brahman ;

La Personne suprême ;

Nârâyana !

Immuable en Sa forme propre lors même qu'il produit l'univers depuis Brahmâ (le démiurge) jusqu'aux êtres sans mouvement ;

Qui tout inaccessible qu'il est à l'effort de méditation le plus concentré et à l'adoration des hommes et des dieux y compris Brahmâ, assume pourtant, sans perdre aucunement Son essence la plus propre, certaines formes (accessibles), quoique de constitution homogène à Sa divinité, et ce de Sa pure initiative, parce qu'il est un grand océan sans rivages de compassion, de bienveillance, de parentale tendresse, de générosité ;

Vénéré, chargé d'honneurs propitiatoires par les générations humaines selon que d'âge en âge II est descendu parmi elles, leur faisant atteindre les fruits convenables dans l'ordre du salut, des observances sacrées et des obligations morales, de la richesse et du plaisir ; qui s'est rendu visible aux regards de tous les hommes, même des moins dignes, tels que nous, afin d'apaiser les souffrances de la transmigration, en effectuant ce que l'on appelle la descente pour le fardeau de la terre.

( Hymne à Nârâyana, Introduction au Gîtâ Bhâshya, trad. Olivier Lacombe : l'Absolu selon le Vedânta, p. 277-78.)



Râmânuja évolue dans l’univers de la bhakti, de la dévotion enthousiaste au Dieu personnel et la libération est donc conçue comme un don gracieux de la Personne suprême. Bien que l’effort du fidèle le prépare et y contribue, la délivrance en dernière analyse dépend de la bienveillance divine. La voie du salut pour Ramanuja est donc le bhakti-yoga, yoga étant pris dans son sens étymologique " union à Dieu [par la dévotion] ", tandis que pour Çankara c’est le jnâna-yoga " union à l’Absolu par la Connaissance Salvatrice ". Mais les deux écoles admettent bien entendu la pleine et entière validité du râja-yoga, celui de Patanjali.

(D'après Ralph Stehly, Professeur d'histoire des religions, Université Marc Bloch, Strasbourg. site : stehly.chez-alice.fr)

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Message par Sophie Mer 21 Mar 2012 - 11:16

Et donc finalement, des deux visions, nait l'unité. (?)

Je ne sais pas, c'est ce que ça m'évoque.

Quand je lis l'un, je ressens que ça vibre, "je suis d'accord" (pas mentalement, intérieurement).
Quand je lis l'autre, ça fait pareil !

Donc aucun des deux n'est vrai, mais tous les deux vibrent.
Et il y a "autre chose" entre les deux, ou surgissant des deux.

(si je raconte n'importe quoi tu me dis Greenman hein... c'est mon ressenti, mais cela n'a peut-être rien à voir avec le sujet).


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Message par Greenman Mer 21 Mar 2012 - 13:45

Bonjour Sophie,

Non seulement tu ne racontes pas n'importe quoi, mais je te tire un grand coup de chapeau, tu viens d'exprimer une vision juste et surtout non intellectuelle, non new ageuse, d'après ce que disent les plus grands védantistes. En effet, généralement, la lecture de ces philosophies spirituelles en Occident donne lieu au sempiternel dressage de murs aussi aberrant que faux, entre d'une part, les chercheurs qui intègrent une certaine dualité dans leur cheminement (dévotion, yoga, voie progressive et indirecte de Ramanuja), et d'autre part, ceux qui ont une pratique directement non dualiste inspirée de Shankara. Ces derniers ayant souvent un regard condescendant sur les premiers, même chez de grands écrivains comme Guénon (que j'apprécie beaucoup pourtant), alors même qu'ils n'ont pas dépassé le chemin de la dévotion étant donné que celui-ci mène aussi à la libération et que eux ne sont pas réalisés.
Comme l'expliquait Swami Vivekananda, le chemin non dualiste de Shankara, pour un puriste, exigerait d'être déjà réalisé ou d'être sur le point d'y parvenir, ce qui n'est évidement pas le cas de la plupart des chercheurs, donc, en fait, chacun choisit suivant le détachement qui est le sien : si on est plutôt très détaché et qu'on a la maturité de ne pas s'identifier trop ni au corps ni à ce que l'on rencontre, notre chemin sera surtout celui de Shankara, sinon on commencera plutôt par nettoyer le mental avec des introspections intérieures, du nettoyage par la méditation, du yoga avec ses règles de Yamas et Nyamas, avec la dévotion, et toutes les innombrables pratiques dualistes qui existent dans toutes les traditions. Ainsi, progressivement, on passe de Ramanuja à Shankara, mais de façon imperceptible et complexe, pas par un choix spécialement intellectuel mais par le détachement effectif, de façon naturelle. En pratique, ces chemins s'interpénètrent de façon indescriptible et on peut seulement mettre l'accent sur l'un ou l'autre dans la réalité de la pratique, mais c'est tout, et voir leur vérité relève d'une intuition, comme tu viens de le faire.

Sur un certain plan, les 2 chemins sont absolument vrais, mais sur un autre plan, chaque chemin est incomplet par rapport à l'autre. Voir leur vérité n'appartient pas au mental, Shankara, tout autant que Ramanuja (qui est non dualiste aussi en but, ne l'oublions pas), avaient conscience de ça et ne proposaient leurs philosophies que pour éclairer le chemin de loin, ce n'est pas de la philo intellectuelle, ça exigeait un cheminement pratique, une vérification, donc un dépassement des mots.
Shankara dit d'ailleurs bien ci-dessus, dans le post Bhaja Govindam, à la 1ère strophe :
"Tu es fou de penser que tes règles de grammaire au jour de ta mort pourraient bien t’aider."

à noter que Shankara, dans la même strophe dit aussi, c'est très important :

"Adore Brahman, Vénère Brahman, Chante Brahman ! "

Shankara est ici dévotionnel, pas par rapport à un Dieu extérieur, particulier ou multiple, mais par rapport à l' 1 indifférencié, mais c'est de la dévotion quand même, donc, Shankara est authentique et vraiment au delà de toute dualité (contrairement au new age actuel qui se réclame de lui pour essayer de cacher une indifférence du coeur due à un intellect trop présent) et Vivekananda avait raison, toute frontière entre les 2 chemins est imaginable intellectuellement mais aberrante spirituellement. (mais en définitive, Ramanuja aboutit à Shankara, puisque quand l'univers sera résorbé, la "fin du monde", il n'y aura ni dévotion ni aucune dualité, et seul restera le 1 décrit par Shankara, ce qui explique pourquoi on place Shankara au sommet de la philo hindoue. C'est le "Guru des Gurus", dit on en Inde).

Il y a aussi un autre point important, ci-dessus dans le post : "La connaissance du Soi". (je n'ai pas choisi ces textes par hasard Very Happy ), Shankara dit :

"1- Ce traité intitulé "Connaissance du Soi", est destiné à ceux dont les péchés ont été abolis par les austérités et qui, avec un mental tranquille et libre de tout attachement, aspirent à la libération."

==> ici on voit que la philo spirituelle non duelle de Shankara s'adresse à ceux qui ont nettoyé du karma (ce qui revient à redire ce que notre Ananie s'évertue à répéter pour nous raisonner Very Happy ), donc à ceux qui ont fait de l'introspection, du nettoyage des impressions du passé, qui se sont désidentifiés suffisamment du corps et des attachements. Les "austérités" ici sont toutes les pratiques qui nettoient, méditation, yoga, etc, à l'infini. Attention, on peut déjà avoir nettoyé tout ça dans des vies antérieures, alors il faut appliquer un regard objectif sur nos possibilités actuelles, seul ou à l'aide d'un Maitre.
Et ça ne veut pas dire du tout qu'on ne va pas y arriver, que c'est hors de portée, surtout pas. Nisargadatta, Ramana Maharshi, Ranjit Maharaj, l'ont dit et répété : si on n'est pas tiède, on peut y arriver en quelques années.
Ramakrishna disait : "si vous vous roulez par terre de douleur d'être séparé de Tout, du Divin, en 48 heures vous êtes réalisé".
Amma l'a dit aussi de la même manière, elle a dit à l'ashram : "si vous êtes très ardent, en 4 ans environ, c'est terminé.". Eric Tolone dit sur la video du topic "initiation à l'advaita" : "pour quelqu'un de très motivé, 6 mois par étape". Or, il propose 8 étapes, ça fait 4 ans...
En fait, j'ai remarqué que beaucoup de maitres spirituels disent qu'on ne connait pas notre karma et qu'en fait, quand on s'engage sur ces voies, beaucoup de choses sont déjà nettoyées malgré les blessures de cette vie, et que ce faisant, il ne fallait pas trop s'identifier au karma ni à toute notion démobilisante.
J'ai entendu Amma dire : "oubliez le karma, il n'y a pas de karma". c'était une phrase adaptée à tous ceux qui se freinaient à cause de ça, bien sûr, car nous avons tendance à garder cette notion juste de façon intellectuelle dans la tête, ce qui occasionne un conditionnement et un freinage pernicieux. Et puis dans l'Absolu, il n'y a ni karma ni réincarnation ni corps ni rien...
J'ai l'impression qu'Il faut tenir compte de cette loi juste pour comprendre qu'il faut se purifier vigoureusement, mais dès que ça devient un concept bloquant, ouste, dehors ! Tu sors

Very Happy

Bonne journée !

Hello
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Message par Sophie Mer 21 Mar 2012 - 17:12

J'aime beaucoup ce que tu écris Greenman, c'est très apaisant à lire, en tout cas pour moi là présentement, ça m'apporte beaucoup de paix.

Je n'ai pas grand chose à ajouter, justement parce que ça me touche, de manière très "sensible", et apaisée.
Alors je te fais un gros Bisou et je te remercie simplement... Rose

Sophie

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Message par Greenman Mer 21 Mar 2012 - 18:15

Merci mille fois, Sophie, mais ce sont ces grands philosophes spirituels qui sont "harmonieux", je ne fais qu'essayer de rapporter un peu ce qu'ils disent... je suis très heureux si ça t'apporte quelque chose, de la paix. Very Happy

Leur harmonie me porte paisiblement, tout comme pour toi, car ce n'est pas de l'intellect de leur part, mais bien du coeur... coeur ce sont de vrais philosophes.

c'est ça la non dualité aussi, un "truc" profond qui fait silence, où il n'y a plus de tension ni rien....

Gros bisous à toi aussi !
Bisou
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Message par Soudhamani Jeu 22 Mar 2012 - 14:35

Superbe topic , merci GreeGree . Cool

"52- Le voyeur, bien que demeurant au milieu des limitations, n'est cependant, comme l'espace, plus affecté par leurs qualités. Connaissant tout, il doit être comme quelqu'un qui ne sait rien et doit errer, sans attache, comme le vent."
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Message par Greenman Jeu 22 Mar 2012 - 14:53

Merci à toi de ton attention, Soudhamanette. Bisou. Bisou

J'adore ce verset aussi, il nous emporte... comme le vent... coeur
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