La couture du kesa
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La couture du kesa
La tradition bouddhiste affirme qu'après son éveil, le bouddha aurait décidé de se faire un vêtement correspondant à son statut de renonçant. Il se serait rendu sur le lieu des crémations et aurait récupéré de vieux morceaux de linceuls. Il les a lavés, teint et cousu ensemble. Ainsi serait apparu le premier kesa.
Par la suite, y a une histoire que j'ai pas envie de mémoriser parce qu'elle me parle pas (mais vous pourrez sans problème trouver sur le net si ça vous intéresse) mais un notable demanda au Bouddha de créer un vêtement spécifique pour que ces disciples soient facilement reconnaissables. C'est ainsi que naquit la tradition du kesa, tradition qui se perpétue de nos jours, bien qu'elle soit surement plus présente dans certains courants que dans d'autres...
Les premiers kesa furent cousus avec des débris de tissus déclassés, salis, impurs. Une fois lavés et teints ils peuvent être cousus. (des pioù comme on dit chez moi ) Au japon on dit même "kesa funzo-e" qui signifie vêtement excrément. Donc vraiment les débris de m... Très tôt également les kesas ont été fait avec du tissu neuf. Chaque moine possédait donc (et le cousait si il le pouvait) son propre kesa symbole de son appartenance au Sangha (communauté bouddhiste)
La fabrication d'un kesa est très codifié. Le modèle est toujours le même. Ses dimensions correspondent à des rapports de tailles concernant le corps humain, et en particulier le bras et la main. Ce dernier détail n'est pas sans importance: lorsqu'il est porté, le kesa laisse l'épaule droite nue, permettant ainsi d'agir. Et pour ne pas que le kesa tombe, le bras gauche doit être un minimum fléchit: il n'est pas possible de rester les bras ballants lorsque l'on porte un kesa. Donc il y a clairement une symbolique autour de l'action, sous entendue l'action désintéressée pour servir tout les êtres. Il n'y est ni plus ni moins question de compassion, et de compassion qui doit être vécue, pas seulement le joli concept.
Alors la symbolique du kesa comme j'ai souvent entendu, c'est que la pire des personnes peut devenir Bouddha grâce à la pratique. J'ai une autre interprétation. En imaginant que le kesa représente notre vie, notre pratique, ça signifierais que même les pensées, les actes ou les projets les plus malsains que peut contenir notre vie, par la pratique spirituelle, peuvent être sublimés pour devenir une partie intégrante de notre chemin vers notre nature essentielle. Le ramassis de chiffons pourris peut devenir un kesa, les plus sombres aspects de notre vie peuvent composer la Voie.
Jusque là c'était plutôt généraliste. Ce que je vais dire maintenant concerne surtout le Zen, peut être d'autres branches aussi mais j'en sais pas plus...
Dans la tradition Zen, il y a deux ordinations, l'ordination laïque et l'ordination monacale. Lors de l'ordination monacale, le nouveau moine "reçoit" (même si c'est lui qui les a cousus et en général c'est le cas) 3 kesas: le kesa de pratique à 7 bandes, le kesa de cérémonie à 9 bandes, et un mini kesa à 5 bandes appelé "rakusu" qui se porte pendant le samu (travail manuel) ou dans la vie quotidienne sous les vêtements. C'est aussi le kesa qu'on emporte en voyage.
Lors de l'ordination laïque, on reçoit seulement un rakusu.
Il faut en prendre soin et ne pas le négliger, il symbolise la pratique du Zen. Chez soi on le met sur un petit autel. Il est sensé renforcer notre pratique et nous protéger. Bien que dans le Zen on ne se préoccupe pas des mérites accumulés par les actes méritants (en fait ces mérites sont dédiés à tout les êtres) il est dit que de coudre, porter et même voir un rakusu apporte des mérites. Offrir un rakusu/kesa aussi est méritoire, et c'est le don considéré comme le plus haut. D'ailleurs lorsque qu'un patriarche allait mourir il confiait son kesa à son successeur. Le kesa du bouddha se serait transmis ainsi sur plusieurs générations de patriarches jusqu'à tomber en poussière! Mais il ne faut pas non plus être fétichiste! C'est un symbole très important mais ce n'est qu'un symbole! Il faut s'attacher à ce qu'il représente mais surtout pas au rakusu!
Bref!
Quand on veut se faire ordonner deux options: soit on achète un rakusu parce qu'on ne parvient pas à le coudre soi-même ou qu'on est pressé (cette option n'est pas valable pour l'ordination de moine, si t'es pressé pas d'ordination) soit on le couds soi-même. Le coudre soi-même est vivement recommandé. Et c'est à partir de ce moment là que ça se corse...
Un rakusu ça ressemble à ça:
Voici l'envers:
Sur l'envers il y a un rectangle de soie sur lequel sont calligraphiés en principe le nom de la personne ordonné, de celle qui ordonne, la date, le lieu, le nom bouddhiste de la personne ordonnée, et un poème.
Le tout se range dans une petite pochette qu'il faut aussi coudre:
Souvent les rakusus sont noirs car c'est la couleur du débutant. Dogen le patriarche japonais le plus important pratiquais zazen avec un kesa noir pour rappeler l'importance de "l'esprit du débutant".
C'est tout un programme.
Non parce déjà moi j'ai vraiment LE profil du couturier. Déjà de par mes connaissances du sujet (y a pas une histoire d'aiguille ou de fil non?) et j'ai bien sûr l'avantage de mes petits doigts de fée... Les doigts dont je me sert d'habitude pour broyer, couper, débroussailler, débarder, arracher, pousser, tirer, casser... Bref la couture est une seconde nature chez moi... (ironie? qui a dit ironie?) En plus d'après ma voisine ça tient plus de la broderie que de la couture... (comprendre: c'est plus chiant encore que la couture)
En plus j'ai aucun à priori pour la couture, mais le coup du rakusu là, ça fais un peu la corvée administrative à remplir façon Zen...
"-T'as mis combien de temps à le coudre toi ton rakusu?
-Moi? Un peu moins d'un an je crois..."
Merde ça commences mal...
Alors déjà on peut oublier de suite de coudre le torchon tout seul! Niet! C'est juste pas possible!
"-Ha non non non, tu vas avoir besoin d'un coup de main!!
-Ha bon t'es sûr?
-Ha oui! Y a un point spécial en plus.
-Ha bon... Un coup de main d'accord, mais de qui?
-Euh je sais pas... demandes à un tel ou une telle..."
Sauf que "un tel" pratique dans un dojo situé à une heure de route, et "une telle" est à une heure et demi... (1)
"-Mais toi t'as fait ton rakusu non?
-Ha oui mais ça fait un bail!
-Tu te souviens pas?
-Ben y a une disposition spéciale des pièces... et puis le cadre pffffiiou c'était chiant!
-Et les petits carrés! C'est avec les petits carrés que je me suis le plus galéré!
- Ha Ok... ^^' "
"Non mais tu vas voir un tel vas te procurer un kit rakusu..."
Et c'est comme ça que tu te retrouves avec une petite pochette contenant une quinzaine de morceau de tissu numérotés...
"Faut que tu t'entraînes, fait des lignes. Si le rakusu n'est pas assez correctement réalisé il peut être refusé et tu ne sera pas ordonné..." (2)
Et c'est parti pour le pire exercice qui existe au monde: faire des lignes! Comme pour apprendre à écrire. Ou comme les punitions, ça dépend de ton style de scolarité C'est long, chiant, et ça sert à rien, car même si tu fais une super ligne de la mort, de toutes façon elle est sur un bout de tissu sans aucune importance! Le point doit être bien régulier. Régulier mais pas parfait parce que le Zen est une discipline vivante et qu'on ne cherche pas à remplacer des machines. Les points doivent être suffisamment espacés mais pas trop. Le plus petit possible mais bien visibles. En oblique. Alignés. L'envers doit former une belle ligne... Dur... Surtout qu'en cas de déconcentration, le ligne à tendance à partir en vrac... On dit que le point réalisé sur le rakusu représente la pratique du futur ordonné.
Une fois que t'es un peu aguerri, il faut commencer à assembler les morceaux. Ca par contre c'est super simple: la pièce A1 chevauche la pièce B1, puis l'ensemble A1B1 chevauche l'ensemble A2B2, mais faut pas oublier que c'est B2 qui chevauche A2... A moins que se soit A2 qui chevauche B2? Comment c'est déjà avec A3 et B3? Et C1D1 il est sur le bord non? La marge de 1 cm c'est sur la pièce qui chevauche ou c'est sur la pièce qui est chevauchée? Parce que sur l'autre c'est 3,5 cm faut pas se tromper! Attends je vérifie... Fais voir ton rakusu toi? Non c'est le carré à découper pour les petits carrés et ça c'est la pièce soto... C'est le cadre ou une bretelle celui la?
Non c'est super simple en fait.
Une fois (à peu près?) sûr de toi, tu commences la couture à proprement parler. Alors bien sûr ça devenait correct sur le bout de tissu qui servait à s'exercer, et c'est donc tout naturellement que tu découvre qu'en fait là vas y avoir deux épaisseurs de tissu au lieu d'une... Et du coup t'es moins à l'aise! (3) Alors les lignes ne sont pas aussi réussies. Et c'est énervaaannnt!!!!
Enfin bon! En se reprenant patiemment on arrive à coudre les bandes. Chic! Maintenant faut les assembler entre elles... (reugneugneuhA2B2grneuA1B1grgrgneuhjepoussetutiregneugrlamargeagauchegngr...)
Et ça recoud... Avec encore plus d'épaisseurs...
Et là, c'est l'accident. Tu as presque fini ta ligne. Déjà que le dernier morceau que t'as assemblé n'est pas tout à fait droit... Enfin bon ça vas le faire hein! Vont pas faire ch***! Et juste à la fin tu te rends compte... Que l'avant avant avant dernier point à sauté! Et t'as déjà coupé le fil... Oups... Meerrddeeee!!! Bon hé! C'est pas grave hein! Ho hé hein! J'y ai déjà passé deux heures aujourd'hui en plus de mon taf, je veut aller me coucher, j'en ai marre, de toutes façons la couture ça me saoule. Et puis ils feront avec ils vont pas faire ch*** hein!!
Et tu vas te coucher...
Et là tu prend doucement conscience... non ça passera pas. C'est sûr ça passera pas. Et si tu continues t'aura encore plus à refaire... Oui mais tu t'es tellement fais chier... Non je ne déferrais pas!! Pourtant c'est pas bon... Je m'en fout, je m'en fout, je m'en fout!!! Ouais mais c'est pas bon... La merde!!!! Qu'ils se le mettent ou je pense ce foutu rakusu pourri!! C'est pas bon... Arrggghh!!! J'en ai marre!!! Ordination de m**** b***** de couture de m**** J'en ai plein le c** Qu'ils aient tous se faire f*****!!!
La nuit qui suit est assez difficile
Le lendemain c'est avec une motivation de zombie que tu défait les points, et que tu te résignes la mort dans l'âme à RECOMMENCER!!! (4)
Misère...
En ce qui me concerne j'ai eu un sacré coup de main pour la pose du cadre. Et quand j'ai récupéré mon rakusu, il me restait plus qu'à attaquer les plus longues lignes... Ca me dégoutait presque...
T'attends 2 jours... Et tu te dit faut que je continues, mais comment continuer sans se prendre la tête? Tu décides de faire de ton mieux malgré le temps que ça prendras. La première ligne est très lente mais elle est correcte. La deuxième ligne est de qualité identique mais ça t'as pris moins de temps. La troisième tu te rends compte que t'as pris le coup. Et ça commences presque à être plaisant. Tu commences à comprendre ce qu'est la pratique de la couture, les points s'enchaînent les uns après les autres comme les pensées dans ta tête ou les événements dans ta vie... Jamais tout à fait parfaits, parfois un peu bancals même, mais chaque fois tu as fait de ton mieux. Oui la couture peut être méditative. (5)
Un petit détail d'un coin de rakusu pour vous donner une idée de ce que ça donne. Ces foutus carrés comportent les 14 épaisseurs en question, ils ne mesurent que 2,5 cm de côté, et sans compter la préparation ni la mise en place, il y en a pour une heure, une heure et demi de couture...
Une fois que t'as passé ce cap, ça se finit plutôt bien en fait. Tu te retrouves tout seul comme un gland sur la table de la pièce principale, à la lueur de la lampe de bureau que t'as fini par acheter exprès. Il est 2 heures du mat. T'as enfin cousu la deuxième bretelle et là... C'est génial t'as fini C'est vraiment initiatique sans déconner
Après reste à le faire valider... Jusque là t'es pas tranquille tranquille. Et enfin la cérémonie d'ordination où tu reçoit enfin le rakusu calligraphié. Et là quand on le pend à ton cou ça représente quelque chose...
Bien sûr ce qui est valable pour la couture l'est pour tout les autres travaux manuels. C'est le type d'esprit qui doit être pratiqué pendant samu. (travail manuel désintéressé)
Et au final la couture... Ben j'ai fini par trouver ça sympa. Malgré le fait que j'ai un boulot de bourrin les 3/4 du temps, la couture ça le fait de temps en temps. J'ai par exemple cousu mon propre set de serviette traditionnel pour envelopper les bols (oryokis)
J'ai même fait un autre rakusu pour l'offrir (en fait c'est celui qui est en photo que j'ai tout fait moi même comment je me la pète mdr) Et je vais surement refaire sous peu des serviettes pour un autre pratiquant. Je ferais bien un kesa aussi. Y a plein de choses qui peuvent être cousues dans le Zen, kimonos, komolos, etc...
Comme quoi on se découvre des activités qui semblent pas forcément géniales d'un premier abord
**********
(1) Non mais en fait c'est cool car ça permet d'échanger avec de nouveaux pratiquants, de voir ce qui se fait dans les autres dojos... C'est sympa en fait.
(2) Ca ça peut sembler dégueulasse, parce que si vraiment la personne fait tout son possible, si ça convient pas et ben c'est refusé... Malheureusement c'est comme ça qu'on maintient ce genre de pratique à peu près préservé d'une génération à l'autre. Sans cette rigueur, ça fait longtemps que les kesas ne ressembleraient plus à rien...
C'est aussi pour ça qu'il faut régulièrement faire contrôler la progression de cette affaire par quelqu'un d'expérimenté... Sinon le jour où tu présente ton rakusu, en deux coup de ciseau on te défait la moitié du boulot... Et là c'est argghhh!!
(3) Et là ça vas, par certains endroits c'est 14 épaisseurs à traverser avec l'aiguille
(4) Et en fait c'est assez génial ptdr! (genre le mec qui ouvre son bec parce qu'il a fini son rakusu) parce que dans le Zen on apprend pas forcément grand chose, mais on "désapprend" énormément. Défaire les mauvaises coutures, défaire les concepts erronés... C'est un peu la même idée, faut accepter de lâcher prise, ne pas avoir peur de se remettre en question, avoir le courage de recommencer...
(5) C'est un peu comme le mokugyo, le petit tambour de bois qui est frappé lors des cérémonies et qui rythme le sutra: Il faut le frapper avec la bonne force, pas trop fort, pas trop peu, pas trop vite, pas trop lentement. Le seul moyen de le frapper correctement est de lâcher prise et de faire de son mieux. Et si on se loupe de temps à autre, surtout ne pas dramatiser et aller de l'avant. (même si il y 30 personnes à chanter dans la salle ptdr, et dans une grande sesshin il me semble qu'il peut y avoir jusqu'à 200 personnes à induire en erreur en se trompant dans le rythme du mokugyo Mais non c'est pas stressant...)
Par la suite, y a une histoire que j'ai pas envie de mémoriser parce qu'elle me parle pas (mais vous pourrez sans problème trouver sur le net si ça vous intéresse) mais un notable demanda au Bouddha de créer un vêtement spécifique pour que ces disciples soient facilement reconnaissables. C'est ainsi que naquit la tradition du kesa, tradition qui se perpétue de nos jours, bien qu'elle soit surement plus présente dans certains courants que dans d'autres...
Les premiers kesa furent cousus avec des débris de tissus déclassés, salis, impurs. Une fois lavés et teints ils peuvent être cousus. (des pioù comme on dit chez moi ) Au japon on dit même "kesa funzo-e" qui signifie vêtement excrément. Donc vraiment les débris de m... Très tôt également les kesas ont été fait avec du tissu neuf. Chaque moine possédait donc (et le cousait si il le pouvait) son propre kesa symbole de son appartenance au Sangha (communauté bouddhiste)
La fabrication d'un kesa est très codifié. Le modèle est toujours le même. Ses dimensions correspondent à des rapports de tailles concernant le corps humain, et en particulier le bras et la main. Ce dernier détail n'est pas sans importance: lorsqu'il est porté, le kesa laisse l'épaule droite nue, permettant ainsi d'agir. Et pour ne pas que le kesa tombe, le bras gauche doit être un minimum fléchit: il n'est pas possible de rester les bras ballants lorsque l'on porte un kesa. Donc il y a clairement une symbolique autour de l'action, sous entendue l'action désintéressée pour servir tout les êtres. Il n'y est ni plus ni moins question de compassion, et de compassion qui doit être vécue, pas seulement le joli concept.
Alors la symbolique du kesa comme j'ai souvent entendu, c'est que la pire des personnes peut devenir Bouddha grâce à la pratique. J'ai une autre interprétation. En imaginant que le kesa représente notre vie, notre pratique, ça signifierais que même les pensées, les actes ou les projets les plus malsains que peut contenir notre vie, par la pratique spirituelle, peuvent être sublimés pour devenir une partie intégrante de notre chemin vers notre nature essentielle. Le ramassis de chiffons pourris peut devenir un kesa, les plus sombres aspects de notre vie peuvent composer la Voie.
Jusque là c'était plutôt généraliste. Ce que je vais dire maintenant concerne surtout le Zen, peut être d'autres branches aussi mais j'en sais pas plus...
Dans la tradition Zen, il y a deux ordinations, l'ordination laïque et l'ordination monacale. Lors de l'ordination monacale, le nouveau moine "reçoit" (même si c'est lui qui les a cousus et en général c'est le cas) 3 kesas: le kesa de pratique à 7 bandes, le kesa de cérémonie à 9 bandes, et un mini kesa à 5 bandes appelé "rakusu" qui se porte pendant le samu (travail manuel) ou dans la vie quotidienne sous les vêtements. C'est aussi le kesa qu'on emporte en voyage.
Lors de l'ordination laïque, on reçoit seulement un rakusu.
Il faut en prendre soin et ne pas le négliger, il symbolise la pratique du Zen. Chez soi on le met sur un petit autel. Il est sensé renforcer notre pratique et nous protéger. Bien que dans le Zen on ne se préoccupe pas des mérites accumulés par les actes méritants (en fait ces mérites sont dédiés à tout les êtres) il est dit que de coudre, porter et même voir un rakusu apporte des mérites. Offrir un rakusu/kesa aussi est méritoire, et c'est le don considéré comme le plus haut. D'ailleurs lorsque qu'un patriarche allait mourir il confiait son kesa à son successeur. Le kesa du bouddha se serait transmis ainsi sur plusieurs générations de patriarches jusqu'à tomber en poussière! Mais il ne faut pas non plus être fétichiste! C'est un symbole très important mais ce n'est qu'un symbole! Il faut s'attacher à ce qu'il représente mais surtout pas au rakusu!
Bref!
Quand on veut se faire ordonner deux options: soit on achète un rakusu parce qu'on ne parvient pas à le coudre soi-même ou qu'on est pressé (cette option n'est pas valable pour l'ordination de moine, si t'es pressé pas d'ordination) soit on le couds soi-même. Le coudre soi-même est vivement recommandé. Et c'est à partir de ce moment là que ça se corse...
Un rakusu ça ressemble à ça:
Voici l'envers:
Sur l'envers il y a un rectangle de soie sur lequel sont calligraphiés en principe le nom de la personne ordonné, de celle qui ordonne, la date, le lieu, le nom bouddhiste de la personne ordonnée, et un poème.
Le tout se range dans une petite pochette qu'il faut aussi coudre:
Souvent les rakusus sont noirs car c'est la couleur du débutant. Dogen le patriarche japonais le plus important pratiquais zazen avec un kesa noir pour rappeler l'importance de "l'esprit du débutant".
C'est tout un programme.
Non parce déjà moi j'ai vraiment LE profil du couturier. Déjà de par mes connaissances du sujet (y a pas une histoire d'aiguille ou de fil non?) et j'ai bien sûr l'avantage de mes petits doigts de fée... Les doigts dont je me sert d'habitude pour broyer, couper, débroussailler, débarder, arracher, pousser, tirer, casser... Bref la couture est une seconde nature chez moi... (ironie? qui a dit ironie?) En plus d'après ma voisine ça tient plus de la broderie que de la couture... (comprendre: c'est plus chiant encore que la couture)
En plus j'ai aucun à priori pour la couture, mais le coup du rakusu là, ça fais un peu la corvée administrative à remplir façon Zen...
"-T'as mis combien de temps à le coudre toi ton rakusu?
-Moi? Un peu moins d'un an je crois..."
Merde ça commences mal...
Alors déjà on peut oublier de suite de coudre le torchon tout seul! Niet! C'est juste pas possible!
"-Ha non non non, tu vas avoir besoin d'un coup de main!!
-Ha bon t'es sûr?
-Ha oui! Y a un point spécial en plus.
-Ha bon... Un coup de main d'accord, mais de qui?
-Euh je sais pas... demandes à un tel ou une telle..."
Sauf que "un tel" pratique dans un dojo situé à une heure de route, et "une telle" est à une heure et demi... (1)
"-Mais toi t'as fait ton rakusu non?
-Ha oui mais ça fait un bail!
-Tu te souviens pas?
-Ben y a une disposition spéciale des pièces... et puis le cadre pffffiiou c'était chiant!
-Et les petits carrés! C'est avec les petits carrés que je me suis le plus galéré!
- Ha Ok... ^^' "
"Non mais tu vas voir un tel vas te procurer un kit rakusu..."
Et c'est comme ça que tu te retrouves avec une petite pochette contenant une quinzaine de morceau de tissu numérotés...
"Faut que tu t'entraînes, fait des lignes. Si le rakusu n'est pas assez correctement réalisé il peut être refusé et tu ne sera pas ordonné..." (2)
Et c'est parti pour le pire exercice qui existe au monde: faire des lignes! Comme pour apprendre à écrire. Ou comme les punitions, ça dépend de ton style de scolarité C'est long, chiant, et ça sert à rien, car même si tu fais une super ligne de la mort, de toutes façon elle est sur un bout de tissu sans aucune importance! Le point doit être bien régulier. Régulier mais pas parfait parce que le Zen est une discipline vivante et qu'on ne cherche pas à remplacer des machines. Les points doivent être suffisamment espacés mais pas trop. Le plus petit possible mais bien visibles. En oblique. Alignés. L'envers doit former une belle ligne... Dur... Surtout qu'en cas de déconcentration, le ligne à tendance à partir en vrac... On dit que le point réalisé sur le rakusu représente la pratique du futur ordonné.
Une fois que t'es un peu aguerri, il faut commencer à assembler les morceaux. Ca par contre c'est super simple: la pièce A1 chevauche la pièce B1, puis l'ensemble A1B1 chevauche l'ensemble A2B2, mais faut pas oublier que c'est B2 qui chevauche A2... A moins que se soit A2 qui chevauche B2? Comment c'est déjà avec A3 et B3? Et C1D1 il est sur le bord non? La marge de 1 cm c'est sur la pièce qui chevauche ou c'est sur la pièce qui est chevauchée? Parce que sur l'autre c'est 3,5 cm faut pas se tromper! Attends je vérifie... Fais voir ton rakusu toi? Non c'est le carré à découper pour les petits carrés et ça c'est la pièce soto... C'est le cadre ou une bretelle celui la?
Non c'est super simple en fait.
Une fois (à peu près?) sûr de toi, tu commences la couture à proprement parler. Alors bien sûr ça devenait correct sur le bout de tissu qui servait à s'exercer, et c'est donc tout naturellement que tu découvre qu'en fait là vas y avoir deux épaisseurs de tissu au lieu d'une... Et du coup t'es moins à l'aise! (3) Alors les lignes ne sont pas aussi réussies. Et c'est énervaaannnt!!!!
Enfin bon! En se reprenant patiemment on arrive à coudre les bandes. Chic! Maintenant faut les assembler entre elles... (reugneugneuhA2B2grneuA1B1grgrgneuhjepoussetutiregneugrlamargeagauchegngr...)
Et ça recoud... Avec encore plus d'épaisseurs...
Et là, c'est l'accident. Tu as presque fini ta ligne. Déjà que le dernier morceau que t'as assemblé n'est pas tout à fait droit... Enfin bon ça vas le faire hein! Vont pas faire ch***! Et juste à la fin tu te rends compte... Que l'avant avant avant dernier point à sauté! Et t'as déjà coupé le fil... Oups... Meerrddeeee!!! Bon hé! C'est pas grave hein! Ho hé hein! J'y ai déjà passé deux heures aujourd'hui en plus de mon taf, je veut aller me coucher, j'en ai marre, de toutes façons la couture ça me saoule. Et puis ils feront avec ils vont pas faire ch*** hein!!
Et tu vas te coucher...
Et là tu prend doucement conscience... non ça passera pas. C'est sûr ça passera pas. Et si tu continues t'aura encore plus à refaire... Oui mais tu t'es tellement fais chier... Non je ne déferrais pas!! Pourtant c'est pas bon... Je m'en fout, je m'en fout, je m'en fout!!! Ouais mais c'est pas bon... La merde!!!! Qu'ils se le mettent ou je pense ce foutu rakusu pourri!! C'est pas bon... Arrggghh!!! J'en ai marre!!! Ordination de m**** b***** de couture de m**** J'en ai plein le c** Qu'ils aient tous se faire f*****!!!
La nuit qui suit est assez difficile
Le lendemain c'est avec une motivation de zombie que tu défait les points, et que tu te résignes la mort dans l'âme à RECOMMENCER!!! (4)
Misère...
En ce qui me concerne j'ai eu un sacré coup de main pour la pose du cadre. Et quand j'ai récupéré mon rakusu, il me restait plus qu'à attaquer les plus longues lignes... Ca me dégoutait presque...
T'attends 2 jours... Et tu te dit faut que je continues, mais comment continuer sans se prendre la tête? Tu décides de faire de ton mieux malgré le temps que ça prendras. La première ligne est très lente mais elle est correcte. La deuxième ligne est de qualité identique mais ça t'as pris moins de temps. La troisième tu te rends compte que t'as pris le coup. Et ça commences presque à être plaisant. Tu commences à comprendre ce qu'est la pratique de la couture, les points s'enchaînent les uns après les autres comme les pensées dans ta tête ou les événements dans ta vie... Jamais tout à fait parfaits, parfois un peu bancals même, mais chaque fois tu as fait de ton mieux. Oui la couture peut être méditative. (5)
Un petit détail d'un coin de rakusu pour vous donner une idée de ce que ça donne. Ces foutus carrés comportent les 14 épaisseurs en question, ils ne mesurent que 2,5 cm de côté, et sans compter la préparation ni la mise en place, il y en a pour une heure, une heure et demi de couture...
Une fois que t'as passé ce cap, ça se finit plutôt bien en fait. Tu te retrouves tout seul comme un gland sur la table de la pièce principale, à la lueur de la lampe de bureau que t'as fini par acheter exprès. Il est 2 heures du mat. T'as enfin cousu la deuxième bretelle et là... C'est génial t'as fini C'est vraiment initiatique sans déconner
Après reste à le faire valider... Jusque là t'es pas tranquille tranquille. Et enfin la cérémonie d'ordination où tu reçoit enfin le rakusu calligraphié. Et là quand on le pend à ton cou ça représente quelque chose...
Bien sûr ce qui est valable pour la couture l'est pour tout les autres travaux manuels. C'est le type d'esprit qui doit être pratiqué pendant samu. (travail manuel désintéressé)
Et au final la couture... Ben j'ai fini par trouver ça sympa. Malgré le fait que j'ai un boulot de bourrin les 3/4 du temps, la couture ça le fait de temps en temps. J'ai par exemple cousu mon propre set de serviette traditionnel pour envelopper les bols (oryokis)
J'ai même fait un autre rakusu pour l'offrir (en fait c'est celui qui est en photo que j'ai tout fait moi même comment je me la pète mdr) Et je vais surement refaire sous peu des serviettes pour un autre pratiquant. Je ferais bien un kesa aussi. Y a plein de choses qui peuvent être cousues dans le Zen, kimonos, komolos, etc...
Comme quoi on se découvre des activités qui semblent pas forcément géniales d'un premier abord
**********
(1) Non mais en fait c'est cool car ça permet d'échanger avec de nouveaux pratiquants, de voir ce qui se fait dans les autres dojos... C'est sympa en fait.
(2) Ca ça peut sembler dégueulasse, parce que si vraiment la personne fait tout son possible, si ça convient pas et ben c'est refusé... Malheureusement c'est comme ça qu'on maintient ce genre de pratique à peu près préservé d'une génération à l'autre. Sans cette rigueur, ça fait longtemps que les kesas ne ressembleraient plus à rien...
C'est aussi pour ça qu'il faut régulièrement faire contrôler la progression de cette affaire par quelqu'un d'expérimenté... Sinon le jour où tu présente ton rakusu, en deux coup de ciseau on te défait la moitié du boulot... Et là c'est argghhh!!
(3) Et là ça vas, par certains endroits c'est 14 épaisseurs à traverser avec l'aiguille
(4) Et en fait c'est assez génial ptdr! (genre le mec qui ouvre son bec parce qu'il a fini son rakusu) parce que dans le Zen on apprend pas forcément grand chose, mais on "désapprend" énormément. Défaire les mauvaises coutures, défaire les concepts erronés... C'est un peu la même idée, faut accepter de lâcher prise, ne pas avoir peur de se remettre en question, avoir le courage de recommencer...
(5) C'est un peu comme le mokugyo, le petit tambour de bois qui est frappé lors des cérémonies et qui rythme le sutra: Il faut le frapper avec la bonne force, pas trop fort, pas trop peu, pas trop vite, pas trop lentement. Le seul moyen de le frapper correctement est de lâcher prise et de faire de son mieux. Et si on se loupe de temps à autre, surtout ne pas dramatiser et aller de l'avant. (même si il y 30 personnes à chanter dans la salle ptdr, et dans une grande sesshin il me semble qu'il peut y avoir jusqu'à 200 personnes à induire en erreur en se trompant dans le rythme du mokugyo Mais non c'est pas stressant...)
Dernière édition par Dagda le Mer 6 Juin 2012 - 20:37, édité 1 fois
Dagda- Messages : 249
Date d'inscription : 16/11/2011
Age : 41
Localisation : Bretagne
Re: La couture du kesa
aaaah j'ai trop adoré te lire!!
toujours aussi pointu dagdou, meme pour parler d'un truc aussi chiant que la couture...
Bon, plus serieusement, je comprend l'idée du travail manuel, et je rebondis bien sur le fait de "desapprendre", mais j e ne peux m'empecher de trouver quelque cj=hose de genant dans le fait que tout doit etre comme ci et comme ca pile poil ou ce n'est pas bon.
En fait, plus generalment, je me demande , qu'est ce qui pousse l'homme a avoir besoin d'une telle discipline??
et, sinon, l'epaule droite denudée, ok. Existe t-il des kesas pour gaucher??
En imaginant que le kesa représente notre vie, notre pratique, ça signifierais que même les pensées, les actes ou les projets les plus malsains que peut contenir notre vie, par la pratique spirituelle, peuvent être sublimés pour devenir une partie intégrante de notre chemin vers notre nature essentielle. Le ramassis de chiffons pourris peut devenir un kesa, les plus sombres aspects de notre vie peuvent composer la Voie.
ça, ca me parle particulierement. C'est pourquoi je pense et soutiens qu'il faut vivre ses "vices" jusqu'au bout. Ca me "rassure" quelque part qu'une "croyance" puisse aller dans ce sens la -meme sur interpretation- puisque je suis un peu contre toutes ces formes de pseudo pureté a atteindre ou d'homme saints en devenir...
je pars du principe que l'homme n'est ni bon ni mauvais, mais qu'il doit se trouver par ces deux antipodes.
Comment peut on se connaitre et se réaliser pleinement autrement??
euh, donc, le rakusu, c'est un tablier cousu en un an?? ca donne pas envie de le porter dis donc!! j'ai un soucis avec tout ce qui est precieux... j'ai l'impression que je peux plus vivre correctement, que je dois avant tout faire a ttention a la chose dites precieuse, et pour le coup, je m'en voudrais de jouer dans la boue avec...
ca, j'adhere a fond. je le pratique differement dans d'autre "arts" manuelles, mais c'est comme ca que je le ressent aussi.Tu commences à comprendre ce qu'est la pratique de la couture, les points s'enchaînent les uns après les autres comme les pensées dans ta tête ou les événements dans ta vie... Jamais tout à fait parfaits, parfois un peu bancals même, mais chaque fois tu as fait de ton mieux. Oui la couture peut être méditative. (5)
merci pour ce joli texte!! je n'aime toujours pas la couture, mais c'etait chouette d'apprendre et encore plus a lire!!!
lounaaa- Messages : 682
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Age : 40
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Re: La couture du kesa
Ben de mon point de vue c'est que pour les fainéants pourris comme moi, un cadre bien défini c'est super intéressant. Parce que sans ça je n'aurais quasiment pas avancé d'un iota en 3 ans... Le fait de se contraindre à se poser face à un mur et pratiquer zazen pendant une heure et demie oblige à se mettre face à certaines réalités. Pour la couture c'est la même, j'ai appris certaines choses avec la couture.Lounaaa a écrit:En fait, plus generalment, je me demande , qu'est ce qui pousse l'homme a avoir besoin d'une telle discipline??
Après bien sûr je ne dit pas que c'est bénéfique pour tout le monde, mais en ce qui me concerne j'en ai besoin si je veut avancer. Et j'en aurait besoin encore un moment même si je n'exclue pas la possibilité de m'en passer un beau jour. Mais d'ici là y a du boulot!
Oh oh!! Ca a un côté légèrement acide que j'aime bien!! Non je pense pas que ça existe. Mais j'aime beaucoup le concept! C'est vrai que c'est dégueulasse ça des kesas que pour droitier...Lounaaa a écrit:et, sinon, l'epaule droite denudée, ok. Existe t-il des kesas pour gaucher??
Lounaaa a écrit:euh, donc, le rakusu, c'est un tablier cousu en un an?? ca donne pas envie de le porter dis donc!!
lol en fait non! Le mien je l'ai fait en 3 mois il me semble. Et encore parfois j'attendais l'aval de la personne qui me chapeautait. Donc non y a pas besoin de un an. Mais souvent les gens s'y mettent en rechignant ne veulent pas y consacrer le temps voulu, les conditions nécessaires... Du coup ça prend longtemps oui.
J'ai discuté avec un mec qui avait fait son kesa en trois mois!! Par contre là c'était tout les soirs après le taf kesa-kesa-kesa tout les soirs jusqu'à 2 - 3 heures du mat!! Faut avoir envie sérieux!
Dagda- Messages : 249
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Re: La couture du kesa
dag , tu t'es pas trompé ? tu dis que tu as fait le tien en 3 mois , et puis tu parles d'un mec qui l'a fait aussi en 3 mois comme si c'était mission impossible ???
lola83- Messages : 1204
Date d'inscription : 25/03/2012
Localisation : près de paris
Re: La couture du kesa
C'est de mon rakusu (mini kesa) dont je parle. C'est la même chose que le truc bleu que porte ce gars là.Dagda a écrit:Le mien je l'ai fait en 3 mois il me semble.
Et là c'est d'un kesa dont je parle. Le kesa c'est le truc blanc qu'elle porte. (par contre là c'est peut être un kesa de cérémonie, mais en taille c'est à peu près équivalent...)Dagda a écrit:J'ai discuté avec un mec qui avait fait son kesa en trois mois!!
Alors ouais c'est pas tout à fait la même chose
Dagda- Messages : 249
Date d'inscription : 16/11/2011
Age : 41
Localisation : Bretagne
Re: La couture du kesa
Excellent ce post Dagda
Sophie- Messages : 1834
Date d'inscription : 06/11/2011
Age : 44
Re: La couture du kesa
ah ! ok ! merci de la précision
lola83- Messages : 1204
Date d'inscription : 25/03/2012
Localisation : près de paris
Re: La couture du kesa
Oui excellent
C'est très inspirant je trouve dans le zen ces choses très simple, au sein d'une pratique dépouillée et d'une certaine rigueur. Et c'est là qu'on trouve une vraie profondeur.
C'est très inspirant je trouve dans le zen ces choses très simple, au sein d'une pratique dépouillée et d'une certaine rigueur. Et c'est là qu'on trouve une vraie profondeur.
Re: La couture du kesa
Aujourd'hui je voulais vous parler d'un autre aspect important de la vie quotidienne dans les temples Zen. C'est quelque chose de très anodin, mais dans le Zen ça prend bien sûr des proportions insoupçonnées... Je parle... de la bouffe!
Déjà il faut savoir que le poste le plus important dans un monastère est celui de responsable. Et le second poste en importance est celui de tenzo (cuisinier). Rien que ça, ça pose les choses... De plus les repas ne sont pas préparés n'importe comment. Il y a donc le tenzo, mais aussi les aides tenzo, les gens qui servent pendant le repas, et ceux de la plonge. Ce sont des responsabilités bien définies avec leur contraintes respectives. Et je peut vous dire qu'en cuisine l'ambiance est très "zen": on découpe pas les carottes en racontant des blagues de cul...
J'ai pris mon premier repas façon Zen lors d'une journée de pratique. On m'avait dit de prendre un bol, une cuillère et une serviette "Pour manger la guen mai". Alors bien évidemment, je m'y suis pris au dernier moment... Du coup lorsque tu poses ton bol sur l'étagère à côté de ceux des autres, tu remarque comme une différence... En effet, eux ils ont ça:
Et toi tu as ça:
J'en voit qui rigolent dans le fond... Sachez que le second bol à deux avantages que le premier n'as pas! Le premier, et pas des moindres, c'est que c'est très facile de le retrouver, même parmi 50 autres bols Et le second bien sûr, c'est ce petit côté rustique que les autres n'ont pas
Lorsque tu arrives sur les lieux pour la première fois, tu jettes quelques coups d'oeil à droite à gauche histoire de... Assez rapidement tu te demande où on vas manger. Ce n'est pas très grand, et il y a à peine quelques chaises... Bref! Vu que c'est l'heure du premier zazen, tu restes pas disserter sur le pourquoi du comment de la faible densité de chaises... Premier zazen, classique 1H30 tranquille! Viens ensuite la cérémonie du matin... En général après un zazen j'ai plus de mal à tenir la position du demi-lotus donc par sécurité je me met à genoux (seiza). La cérémonie se passe. Plus longue que d'habitude, deux sutras, le sutra des patriarches... Tes chevilles commencent à râler, mais bon, même pas mal hein! on vas quand même pas admettre qu'on en chie! C'est juste une cérémonie. La cérémonie se termine (ouf) tu te remet debout, tes jambes récupèrent. C'est l'heure du petit déj traditionnel: la fameuse guen mai.
Chacun récupère son bol puis attend. Forcément le tien tu le trouve de suite trop la classe Ca bouge en cuisine. Les gens ont pas l'air énervés, et la question des chaises se fait de plus en plus intrigante dans ton esprit... Apparemment ils ont pas l'air décidés à aller très loin pour manger... Puis d'un coup certains commencent à entrer dans le dojo avec leur bol! La terrible vérité te saute au visage: il n'y aura PAS de chaises!!!
Te voila contraint la mort dans l’âme à te rasseoir sur ton zafu pour manger. A peine assis t'as mal aux chevilles. Je vous rassure, y a pas de table non plus, ce qui rend l'organisation un peu spéciale... Une fois tout le monde installé avec un set de table, son bol, et une feuille sur laquelle est inscrit un sutra, une personne frappe deux morceaux de bois l'un contre l'autre "CLAC!" Et c'est repartit pour des sutras, tu commences à avoir faim, t'as mal aux jambes, et c'est partit pour durer (1)
Au bout d'un moment tout le monde commence à déballer son bol. Et là tu vois une petite astuce qui fait toute la différence: ils ont une serviette supplémentaire pour poser sur leurs genoux... Et toi pas! Hé oui, le bol typé rustique n'as pas QUE des avantages! Ce qui veut dire que si t'as la polio (ce qui est souvent mon cas) tu vas en mettre plein ton kimono... Et puis bonjour la classe avec le kimono noir bien taché de bouffe! Le truc bien discret... Nan parce que pour ne rien arranger, la guen mai aurait plutôt tendance à laisser des traces blanches en plus. Des traces blanches sur du noir, ils ont pensé à tout ces japonais!
Enfin bref, la récitation des sutras continue et les personnes du service arrivent avec les gamelles. Ils se déplacent à genoux et remplissent les bols. (faut pas avoir d'arthrite pour servir!) Lorsque la personne arrive, tu tends ton bol, il te le rempli, tu le récupère, et Ho surprise! tu constates qu'il s'est vautré, qu'il t'en a mis à moitié partout, et tout spécialement à l'endroit où tu as attrapé ton bol! T'as pas commencé à manger que déjà t'as les doigts qui collent!! Cool...
Tu te laisses pas démoraliser. Tu te doutes que c'est pas encore le moment de manger, et tu lis le sutra d'un oeil pendant que de l'autre tu surveille les autres. La gamelle avec des légumes passe, tu en rajoute... Ils attrapent leur bol et le lèvent à hauteur de visage, toi, méfiant, tu fais pareil mais tu touches pas à la bouffe. Il marmonnent encore un peu, et d'un coup sans prévenir attaquent le casse-croute! Bon! Tout le monde mange à gauche? Tout le monde mange à droite? Voyons voir cette fameuse guen mai...
Et ben... Moyennement appétissant au premier abord hein! C'est une soupe de riz, c'est à dire qu'on dirait que le mec qui a fait la bouffe a laissé l'eau de cuisson avec le riz... C'est gluant, ça a un côté visqueux assez sympa.. Tu comprends mieux pourquoi t'as les doigts qui collent . T'aurais été prévoyant que tu aurait pris une feuille d'essuie-tout, mais comme tu l'es pas... Il y a aussi des petits trucs oranges et verts dedans... En fait c'est ça: ça rappelle le vomi! Les légumes que tu as rajouté ont une drôle de tête (2). Un petit plateau passe avec de la sauce noire (tamari, sauce de soja) et un petit pot contenant quelque chose qui ressemble de loin à du sel (gomasio, sel et sésame). T'es plus à ça près, soyons fous!! Tu met un peu de chaque et tu mélanges!! En même temps quelque chose te dis que c'est tout ce qui a à bouffer...
Et tu goutes. Bizarre. Tu regoutes. Mouais... Tu reregoutes! Ben c'est pas trop mal dis donc... En fait ça se mange bien. C'est assez consistant. Un peu bizarre comme petit déj mais bon... Les légumes sont plutôt sympas à manger. C'est bon le gomasio. En fait ça se passe bien cette guen mai.
T'es là tranquille, tu bouffes ta guen mai, on est pas trop mal... T'es à la moitié de ton bol, tu jettes un coup d'oeil aux alentours... Et là l'horreur! Les 3/4 ont déjà fini de manger et les autres terminent!! Merde!! Vite!! Grosse accélération qui se veut la plus discrète possible! Tu enfourne le riz et les légumes. Ca te tombe sur l'estomac. Ils ont tous fini et y a plus que toi qui fait attendre tout le monde. Tu termine à l'arrache, la bouche pleine, tu fais mine de poser ton bol doucement comme si de rien n'était en finissant de déglutir...
"CLAC!"
Les personnes du service reviennent. Et elles remplissent les bols d'un liquide. "Ssscritch, ssscritch..." Tout le monde racle consciencieusement les parois de son bol. Tu comprends: c'est l'heure de la vaisselle. Tu ssscritchionne également avec le maximum de conviction possible tout en ignorant les gargouillis de ton estomac. Bien sûr tu peut pas faire l'extérieur de ton bol qui colle se serait trop facile, surtout que si tu fais pas gaffe tu vas tout faire couler sur ton kimono immaculé qui te nargue depuis tout à l'heure...
Les personnes du service rereviennent. Elles portent des récipients dans lequel tout le monde verse le contenu de son bol. Tu t'exécute, content de te débarrasser de la flotte. Tu constate que certains en boivent avant de s'en débarrasser C'est bien la première fois que tu vois quelqu'un boire l'eau de la vaisselle! (3)
Encore un petit sutra. "CLAC!" Tout le monde remballe son lot de serviette. Du coup pour toi c'est simple "CLAC!" Tout le monde noue la serviette autour du bol, porte le bol à sa tête. T'as vaincu ta première guen mai
C'était pas mal, mais tout n'est pas joué. Non! Car il reste le moment terrible du... déjeuner!!!
Ca commence pareil. Bol, set de table, sutra, zafu, et petite larme spéciale dédicace à tes genoux qui sanglotent. "CLAC!" Tu redéballes ton bol et constates qu'entre temps la serviette a collé au reste de jus de riz... Tu saisis tout l'intérêt d'une bonne vaisselle. Sutras. Maintenant que t'as une idée du déroulement, tu regardes un peu plus autour de toi. La majorité des personnes présentes ont 3 bols! V'la le bordel pour installer tout le matos entre les bols et les serviettes! (4)
Les gens du service reprennent leur manège... Céréales dans le grand bol (boulgour), légumes dans le moyen (euh... légumes...) et rien dans le petit. C'est Noël, t'as même du pain et un verre d'eau! Whaouuu!
Tu attaques ta ration. Parmi les légumes y a des trucs qui ressemblent à de la patate, des trucs qui ressemblent à de la carotte, et des trucs noirs au goût un peu bizarre... Très vite tu sent que ces foutus trucs noirs vont pas laisser indemne ton estomac... L'un dans l'autre, se lever pour aller chercher un truc à Mac Do serait sans doute mal perçu... Rapide calcul: si je panache deux cuillerées de boulgour avec deux espèces de patates et avec un truc noir, ça devrait passer. Mais il y a encore environ 5 trucs noirs, et il me reste 9 patates... Faut que j'intègre des trucs orange... Et le boulgour descend vite, heureusement y a un peu de pain... Je pose 3 patates, je retient 2 carottes, je divise par le nombre de grains de boulgour, et je me magne de finir pour pas être encore le dernier...
Quelqu'un passe avec un petit récipient. Mais il veut que je lui donne du pain!!! Déjà qu'il me reste 2 trucs noirs et que j'ai plus que 3 patates! Bon on vas pas faire un scandale, je lui donne son petit bout de pain, tenez mon bon et gardez tout! (5)
Tu vient à bout de ton bol, et constatant le silence total qui règne depuis le début tu te demande en rigolant si y a moyen de négocier un peu de pinard avec le calendoche. Euh... Surement que non... Et puis je crois que pour le frometon c'est mort aussi!
Viens l'heure du dessert. Si t'es comme moi et que tu te l'ai joué insouciant, t'as pas bien fini ton bol dans les moindres recoins... Et du coup l'espèce de flan au citron il est pas trop mal, mais avec les restes du boulgour c'est tout de suite beaucoup moins top! Et bien sûr il ne faut pas oublier les restes de guen mai que tu étales partout depuis le début du repas... Mais bon, faut bien finir quand même sinon la vaisselle vas être trrrèèèsss compliquée! Et la vaisselle aussi faut la soigner: il y a 5 éléments dans ce qui s'appelle les oryokis. Les bols (les oryokis a proprement parler), la serviette qui enveloppe le tout et sur laquelle on pose les bols, la serviette qui protège les genoux, le porte couverts pour ranger cuillère et/ou baguettes (faut juste être un grand malade pour manger un repas Zen avec les baguettes ) et enfin la terrible, l'effroyable, l'impitoyable petite serviette blanche!!!!
Ben oui parce qu'elle a un usage très précis cette serviette. Lorsqu'on a fini la vaisselle et qu'on a pas de la guen mai partout, pour éviter que ça colle et que ça détrempe tout on essuie bols et cuillère avec cette petite serviette. Et cette serviette elle est... blanche!! Mais ils sont fous ces japonais! En gros la moindre petite me... que t'as laissé dans ton bol, elle te colore ta serviette! Donc si tu fais pas super gaffe, tu te retrouve avec une serviette de pouilleux. Pour une journée ça vas, tu rentres à la maison tu la laves, mais pour les sesshins de 9 jours
Bref voilà comment se déroule en gros les repas dans les temples. C'est pas des gueuletons de réveillons Je précise que c'est de la nourriture végétarienne. Et confession d'un tenzo: les gens se plaignent rarement de la bouffe, même quand c'est pas assez cuit... Ben tu m'étonnes! Quand tu vois la pression que tu subit pour faire la vaisselle, t'aimerais pas être à la place du tenzo!!!
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(1) En fait il est sympa comme tout le sutra des repas. Mais bon c'est sûr faut pas être pressé de manger... La traduction du sutra en question ici!
(2) En fait ils sont lacto-fermentés, et comme je connaissait pas encore...
(3) Déjà c'est pas de l'eau c'est du thé! Et d'une. Ensuite on ne jette rien lors du repas, donc t'es sensé la boire avec tout les petits restes du repas. Et de deux. Et pour finir, l'eau que tu verses, c'est pour un rituel c'est une offrande aux morts. Donc t'as rien compris
(4) Le premier bol est pour les céréales et le thé, le second pour les légumes, et le troisième pour l'offrande aux esprits affamés. Au Japon apparemment ils ont 9 bols! En fait c'est une pratique aussi: ça devient difficile à gérer, donc il faut le faire en pleine conscience pour ne pas se vautrer. A l'origine les moines bouddhistes n'avaient qu'un bol, et ne devait se contenter pour se nourrir que de ce qu'on leur mettait dedans lorsqu'ils allaient mendier, même si c'était de la viande ou si c'était avarié. Essayez de penser au mec qui fait la vaisselle avec 9 bols... Il doit tout transvaser entre ses bols au-dessus de son kimono... Ils doivent passer plus de temps à emboiter et désemboiter leurs bols qu'à manger
(5) C'est l'offrande aux esprits affamés. Normalement on met un petit bout de pain ou un peu de céréales quand il n'y a pas de pain dans le petit bol dès le début du repas. Cette offrande finie par être donnée aux oiseaux.
Déjà il faut savoir que le poste le plus important dans un monastère est celui de responsable. Et le second poste en importance est celui de tenzo (cuisinier). Rien que ça, ça pose les choses... De plus les repas ne sont pas préparés n'importe comment. Il y a donc le tenzo, mais aussi les aides tenzo, les gens qui servent pendant le repas, et ceux de la plonge. Ce sont des responsabilités bien définies avec leur contraintes respectives. Et je peut vous dire qu'en cuisine l'ambiance est très "zen": on découpe pas les carottes en racontant des blagues de cul...
J'ai pris mon premier repas façon Zen lors d'une journée de pratique. On m'avait dit de prendre un bol, une cuillère et une serviette "Pour manger la guen mai". Alors bien évidemment, je m'y suis pris au dernier moment... Du coup lorsque tu poses ton bol sur l'étagère à côté de ceux des autres, tu remarque comme une différence... En effet, eux ils ont ça:
Et toi tu as ça:
J'en voit qui rigolent dans le fond... Sachez que le second bol à deux avantages que le premier n'as pas! Le premier, et pas des moindres, c'est que c'est très facile de le retrouver, même parmi 50 autres bols Et le second bien sûr, c'est ce petit côté rustique que les autres n'ont pas
Lorsque tu arrives sur les lieux pour la première fois, tu jettes quelques coups d'oeil à droite à gauche histoire de... Assez rapidement tu te demande où on vas manger. Ce n'est pas très grand, et il y a à peine quelques chaises... Bref! Vu que c'est l'heure du premier zazen, tu restes pas disserter sur le pourquoi du comment de la faible densité de chaises... Premier zazen, classique 1H30 tranquille! Viens ensuite la cérémonie du matin... En général après un zazen j'ai plus de mal à tenir la position du demi-lotus donc par sécurité je me met à genoux (seiza). La cérémonie se passe. Plus longue que d'habitude, deux sutras, le sutra des patriarches... Tes chevilles commencent à râler, mais bon, même pas mal hein! on vas quand même pas admettre qu'on en chie! C'est juste une cérémonie. La cérémonie se termine (ouf) tu te remet debout, tes jambes récupèrent. C'est l'heure du petit déj traditionnel: la fameuse guen mai.
Chacun récupère son bol puis attend. Forcément le tien tu le trouve de suite trop la classe Ca bouge en cuisine. Les gens ont pas l'air énervés, et la question des chaises se fait de plus en plus intrigante dans ton esprit... Apparemment ils ont pas l'air décidés à aller très loin pour manger... Puis d'un coup certains commencent à entrer dans le dojo avec leur bol! La terrible vérité te saute au visage: il n'y aura PAS de chaises!!!
Te voila contraint la mort dans l’âme à te rasseoir sur ton zafu pour manger. A peine assis t'as mal aux chevilles. Je vous rassure, y a pas de table non plus, ce qui rend l'organisation un peu spéciale... Une fois tout le monde installé avec un set de table, son bol, et une feuille sur laquelle est inscrit un sutra, une personne frappe deux morceaux de bois l'un contre l'autre "CLAC!" Et c'est repartit pour des sutras, tu commences à avoir faim, t'as mal aux jambes, et c'est partit pour durer (1)
Au bout d'un moment tout le monde commence à déballer son bol. Et là tu vois une petite astuce qui fait toute la différence: ils ont une serviette supplémentaire pour poser sur leurs genoux... Et toi pas! Hé oui, le bol typé rustique n'as pas QUE des avantages! Ce qui veut dire que si t'as la polio (ce qui est souvent mon cas) tu vas en mettre plein ton kimono... Et puis bonjour la classe avec le kimono noir bien taché de bouffe! Le truc bien discret... Nan parce que pour ne rien arranger, la guen mai aurait plutôt tendance à laisser des traces blanches en plus. Des traces blanches sur du noir, ils ont pensé à tout ces japonais!
Enfin bref, la récitation des sutras continue et les personnes du service arrivent avec les gamelles. Ils se déplacent à genoux et remplissent les bols. (faut pas avoir d'arthrite pour servir!) Lorsque la personne arrive, tu tends ton bol, il te le rempli, tu le récupère, et Ho surprise! tu constates qu'il s'est vautré, qu'il t'en a mis à moitié partout, et tout spécialement à l'endroit où tu as attrapé ton bol! T'as pas commencé à manger que déjà t'as les doigts qui collent!! Cool...
Tu te laisses pas démoraliser. Tu te doutes que c'est pas encore le moment de manger, et tu lis le sutra d'un oeil pendant que de l'autre tu surveille les autres. La gamelle avec des légumes passe, tu en rajoute... Ils attrapent leur bol et le lèvent à hauteur de visage, toi, méfiant, tu fais pareil mais tu touches pas à la bouffe. Il marmonnent encore un peu, et d'un coup sans prévenir attaquent le casse-croute! Bon! Tout le monde mange à gauche? Tout le monde mange à droite? Voyons voir cette fameuse guen mai...
Et ben... Moyennement appétissant au premier abord hein! C'est une soupe de riz, c'est à dire qu'on dirait que le mec qui a fait la bouffe a laissé l'eau de cuisson avec le riz... C'est gluant, ça a un côté visqueux assez sympa.. Tu comprends mieux pourquoi t'as les doigts qui collent . T'aurais été prévoyant que tu aurait pris une feuille d'essuie-tout, mais comme tu l'es pas... Il y a aussi des petits trucs oranges et verts dedans... En fait c'est ça: ça rappelle le vomi! Les légumes que tu as rajouté ont une drôle de tête (2). Un petit plateau passe avec de la sauce noire (tamari, sauce de soja) et un petit pot contenant quelque chose qui ressemble de loin à du sel (gomasio, sel et sésame). T'es plus à ça près, soyons fous!! Tu met un peu de chaque et tu mélanges!! En même temps quelque chose te dis que c'est tout ce qui a à bouffer...
Et tu goutes. Bizarre. Tu regoutes. Mouais... Tu reregoutes! Ben c'est pas trop mal dis donc... En fait ça se mange bien. C'est assez consistant. Un peu bizarre comme petit déj mais bon... Les légumes sont plutôt sympas à manger. C'est bon le gomasio. En fait ça se passe bien cette guen mai.
T'es là tranquille, tu bouffes ta guen mai, on est pas trop mal... T'es à la moitié de ton bol, tu jettes un coup d'oeil aux alentours... Et là l'horreur! Les 3/4 ont déjà fini de manger et les autres terminent!! Merde!! Vite!! Grosse accélération qui se veut la plus discrète possible! Tu enfourne le riz et les légumes. Ca te tombe sur l'estomac. Ils ont tous fini et y a plus que toi qui fait attendre tout le monde. Tu termine à l'arrache, la bouche pleine, tu fais mine de poser ton bol doucement comme si de rien n'était en finissant de déglutir...
"CLAC!"
Les personnes du service reviennent. Et elles remplissent les bols d'un liquide. "Ssscritch, ssscritch..." Tout le monde racle consciencieusement les parois de son bol. Tu comprends: c'est l'heure de la vaisselle. Tu ssscritchionne également avec le maximum de conviction possible tout en ignorant les gargouillis de ton estomac. Bien sûr tu peut pas faire l'extérieur de ton bol qui colle se serait trop facile, surtout que si tu fais pas gaffe tu vas tout faire couler sur ton kimono immaculé qui te nargue depuis tout à l'heure...
Les personnes du service rereviennent. Elles portent des récipients dans lequel tout le monde verse le contenu de son bol. Tu t'exécute, content de te débarrasser de la flotte. Tu constate que certains en boivent avant de s'en débarrasser C'est bien la première fois que tu vois quelqu'un boire l'eau de la vaisselle! (3)
Encore un petit sutra. "CLAC!" Tout le monde remballe son lot de serviette. Du coup pour toi c'est simple "CLAC!" Tout le monde noue la serviette autour du bol, porte le bol à sa tête. T'as vaincu ta première guen mai
C'était pas mal, mais tout n'est pas joué. Non! Car il reste le moment terrible du... déjeuner!!!
Ca commence pareil. Bol, set de table, sutra, zafu, et petite larme spéciale dédicace à tes genoux qui sanglotent. "CLAC!" Tu redéballes ton bol et constates qu'entre temps la serviette a collé au reste de jus de riz... Tu saisis tout l'intérêt d'une bonne vaisselle. Sutras. Maintenant que t'as une idée du déroulement, tu regardes un peu plus autour de toi. La majorité des personnes présentes ont 3 bols! V'la le bordel pour installer tout le matos entre les bols et les serviettes! (4)
Les gens du service reprennent leur manège... Céréales dans le grand bol (boulgour), légumes dans le moyen (euh... légumes...) et rien dans le petit. C'est Noël, t'as même du pain et un verre d'eau! Whaouuu!
Tu attaques ta ration. Parmi les légumes y a des trucs qui ressemblent à de la patate, des trucs qui ressemblent à de la carotte, et des trucs noirs au goût un peu bizarre... Très vite tu sent que ces foutus trucs noirs vont pas laisser indemne ton estomac... L'un dans l'autre, se lever pour aller chercher un truc à Mac Do serait sans doute mal perçu... Rapide calcul: si je panache deux cuillerées de boulgour avec deux espèces de patates et avec un truc noir, ça devrait passer. Mais il y a encore environ 5 trucs noirs, et il me reste 9 patates... Faut que j'intègre des trucs orange... Et le boulgour descend vite, heureusement y a un peu de pain... Je pose 3 patates, je retient 2 carottes, je divise par le nombre de grains de boulgour, et je me magne de finir pour pas être encore le dernier...
Quelqu'un passe avec un petit récipient. Mais il veut que je lui donne du pain!!! Déjà qu'il me reste 2 trucs noirs et que j'ai plus que 3 patates! Bon on vas pas faire un scandale, je lui donne son petit bout de pain, tenez mon bon et gardez tout! (5)
Tu vient à bout de ton bol, et constatant le silence total qui règne depuis le début tu te demande en rigolant si y a moyen de négocier un peu de pinard avec le calendoche. Euh... Surement que non... Et puis je crois que pour le frometon c'est mort aussi!
Viens l'heure du dessert. Si t'es comme moi et que tu te l'ai joué insouciant, t'as pas bien fini ton bol dans les moindres recoins... Et du coup l'espèce de flan au citron il est pas trop mal, mais avec les restes du boulgour c'est tout de suite beaucoup moins top! Et bien sûr il ne faut pas oublier les restes de guen mai que tu étales partout depuis le début du repas... Mais bon, faut bien finir quand même sinon la vaisselle vas être trrrèèèsss compliquée! Et la vaisselle aussi faut la soigner: il y a 5 éléments dans ce qui s'appelle les oryokis. Les bols (les oryokis a proprement parler), la serviette qui enveloppe le tout et sur laquelle on pose les bols, la serviette qui protège les genoux, le porte couverts pour ranger cuillère et/ou baguettes (faut juste être un grand malade pour manger un repas Zen avec les baguettes ) et enfin la terrible, l'effroyable, l'impitoyable petite serviette blanche!!!!
Ben oui parce qu'elle a un usage très précis cette serviette. Lorsqu'on a fini la vaisselle et qu'on a pas de la guen mai partout, pour éviter que ça colle et que ça détrempe tout on essuie bols et cuillère avec cette petite serviette. Et cette serviette elle est... blanche!! Mais ils sont fous ces japonais! En gros la moindre petite me... que t'as laissé dans ton bol, elle te colore ta serviette! Donc si tu fais pas super gaffe, tu te retrouve avec une serviette de pouilleux. Pour une journée ça vas, tu rentres à la maison tu la laves, mais pour les sesshins de 9 jours
Bref voilà comment se déroule en gros les repas dans les temples. C'est pas des gueuletons de réveillons Je précise que c'est de la nourriture végétarienne. Et confession d'un tenzo: les gens se plaignent rarement de la bouffe, même quand c'est pas assez cuit... Ben tu m'étonnes! Quand tu vois la pression que tu subit pour faire la vaisselle, t'aimerais pas être à la place du tenzo!!!
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(1) En fait il est sympa comme tout le sutra des repas. Mais bon c'est sûr faut pas être pressé de manger... La traduction du sutra en question ici!
(2) En fait ils sont lacto-fermentés, et comme je connaissait pas encore...
(3) Déjà c'est pas de l'eau c'est du thé! Et d'une. Ensuite on ne jette rien lors du repas, donc t'es sensé la boire avec tout les petits restes du repas. Et de deux. Et pour finir, l'eau que tu verses, c'est pour un rituel c'est une offrande aux morts. Donc t'as rien compris
(4) Le premier bol est pour les céréales et le thé, le second pour les légumes, et le troisième pour l'offrande aux esprits affamés. Au Japon apparemment ils ont 9 bols! En fait c'est une pratique aussi: ça devient difficile à gérer, donc il faut le faire en pleine conscience pour ne pas se vautrer. A l'origine les moines bouddhistes n'avaient qu'un bol, et ne devait se contenter pour se nourrir que de ce qu'on leur mettait dedans lorsqu'ils allaient mendier, même si c'était de la viande ou si c'était avarié. Essayez de penser au mec qui fait la vaisselle avec 9 bols... Il doit tout transvaser entre ses bols au-dessus de son kimono... Ils doivent passer plus de temps à emboiter et désemboiter leurs bols qu'à manger
(5) C'est l'offrande aux esprits affamés. Normalement on met un petit bout de pain ou un peu de céréales quand il n'y a pas de pain dans le petit bol dès le début du repas. Cette offrande finie par être donnée aux oiseaux.
Dagda- Messages : 249
Date d'inscription : 16/11/2011
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Re: La couture du kesa
Lol merci Dagda pour toutes ces croustillantes histoires zazen !
wohpé- Messages : 196
Date d'inscription : 17/05/2012
Age : 54
Re: La couture du kesa
Merci Dagda , superbe topic !
Je ne sais pas si j'aurais bu de ton eau de vaisselle car je préfère mon thé sans croûtons, lol, mais j'ai bien dégusté la lecture de ces aventures où il y a intérêt à être... zen ! sinon, pas de bol, ça colle pas...
Marrant cette histoire de méditer en face du mur... vous méditez obligatoirement les yeux ouverts ou....euhh... chacun fait ce qu'il veut ?
Pfffff, moi qui avait l'image du méditant assis sagement seul dans une pièce et regardant à l'extérieur un bon p'tit jardin discret avec du sable et des galets tressés, avec une ou 2 plantes dans un coin... tu m'as cassé mon image d'Epinal, c'est pô bien, ça, le Dagda. Je m'en vais te punir à coups de sur le dos, mais tu dois déjà connaitre ça et y être insensible, certainement...
En ashram aussi, on s'assoit par terre pour manger et je connais bien le truc du riz avec son eau de cuisson, présenté avec un peu de légumes. C'est comme ça en inde aussi, où ça s'appelle kanji, et probablement dans beaucoup d'endroits en extrême orient.... c'est nourrissant, tu as raison. Mais en Inde, ya des variantes des fois où les morceaux de tomates sont du piment en fait, donc, bon... on ressort tout rouge de l'affaire et en pleurant.. pas gentil le piment, pas sage
Merci pour ton magnifique partage, Dagda T'es un conteur hors pair.
Je ne sais pas si j'aurais bu de ton eau de vaisselle car je préfère mon thé sans croûtons, lol, mais j'ai bien dégusté la lecture de ces aventures où il y a intérêt à être... zen ! sinon, pas de bol, ça colle pas...
Marrant cette histoire de méditer en face du mur... vous méditez obligatoirement les yeux ouverts ou....euhh... chacun fait ce qu'il veut ?
Pfffff, moi qui avait l'image du méditant assis sagement seul dans une pièce et regardant à l'extérieur un bon p'tit jardin discret avec du sable et des galets tressés, avec une ou 2 plantes dans un coin... tu m'as cassé mon image d'Epinal, c'est pô bien, ça, le Dagda. Je m'en vais te punir à coups de sur le dos, mais tu dois déjà connaitre ça et y être insensible, certainement...
En ashram aussi, on s'assoit par terre pour manger et je connais bien le truc du riz avec son eau de cuisson, présenté avec un peu de légumes. C'est comme ça en inde aussi, où ça s'appelle kanji, et probablement dans beaucoup d'endroits en extrême orient.... c'est nourrissant, tu as raison. Mais en Inde, ya des variantes des fois où les morceaux de tomates sont du piment en fait, donc, bon... on ressort tout rouge de l'affaire et en pleurant.. pas gentil le piment, pas sage
Merci pour ton magnifique partage, Dagda T'es un conteur hors pair.
Greenman- Modérateur
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Re: La couture du kesa
Greenman a écrit:Merci pour ton magnifique partage, Dagda T'es un conteur hors pair.
Je confirme !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Marie- Messages : 1121
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Re: La couture du kesa
Merci Dagda!
lantana- Modérateur ChatBox
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Age : 66
Re: La couture du kesa
Merci c'est gentil Content que la narration et le sujet vous plaisent
Euh non chacun fais pas ce qu'il veut Ce serait pas drôle! Alors pourquoi les yeux ouverts? Pour ne pas s'endormir tiens! Y a un maître (je sais plus lequel) qui criait à ses disciples "Habitants de caverne obscure!!" Ca me semble très significatif. Et pourquoi le mur? Histoire de pas se disperser, d'être face à face avec soi même. (oui bon surtout face au mur mais vous m'avez compris!!) Dans le Zen on fait zazen tout seul avec les autres. Je m'explique: chaque expérience vécue par tel ou tel pratiquant est unique et lui appartient en propre. Mais les autres sont à côté, eux aussi vivent une expérience unique et personnelle, mais ils dégagent une énergie, tout le groupe dégage une énergie, énergie qui profite à toutes les personnes qui pratiquent zazen dans la pièce. Et même plus loin, on fait zazen avec toutes les personnes qui font zazen à travers le monde au même moment. On fait zazen avec tout l'univers. ...on fait zazen tout seul avec les autres!
Je précise qu'il y a deux grandes écoles, branches, obédiences, maisons... Le Rinzai et le Soto. Je pratique le Zen Soto. Dans le Rinzai, les pratiquants méditent face au centre du dojo, donc face aux autres. C'est quelque chose qui se défend également: lorsqu'on a un moment de faiblesse on peut être tenté de jeter un coup d'oeil en face... Et là on voit une rangée de pratiquants super impliqués, et on se dit "Aller, aller je fais un effort!" ...alors que 3 minutes avant, c'est eux qui s'inspiraient du courage de la rangée d'en face...
Ouuaaaiisss!!! l'image d'EpinalGreenou a écrit:tu m'as cassé mon image d'Epinal, c'est pô bien, ça, le Dagda.
Greenou a écrit:Marrant cette histoire de méditer en face du mur... vous méditez obligatoirement les yeux ouverts ou....euhh... chacun fait ce qu'il veut ?
Euh non chacun fais pas ce qu'il veut Ce serait pas drôle! Alors pourquoi les yeux ouverts? Pour ne pas s'endormir tiens! Y a un maître (je sais plus lequel) qui criait à ses disciples "Habitants de caverne obscure!!" Ca me semble très significatif. Et pourquoi le mur? Histoire de pas se disperser, d'être face à face avec soi même. (oui bon surtout face au mur mais vous m'avez compris!!) Dans le Zen on fait zazen tout seul avec les autres. Je m'explique: chaque expérience vécue par tel ou tel pratiquant est unique et lui appartient en propre. Mais les autres sont à côté, eux aussi vivent une expérience unique et personnelle, mais ils dégagent une énergie, tout le groupe dégage une énergie, énergie qui profite à toutes les personnes qui pratiquent zazen dans la pièce. Et même plus loin, on fait zazen avec toutes les personnes qui font zazen à travers le monde au même moment. On fait zazen avec tout l'univers. ...on fait zazen tout seul avec les autres!
Je précise qu'il y a deux grandes écoles, branches, obédiences, maisons... Le Rinzai et le Soto. Je pratique le Zen Soto. Dans le Rinzai, les pratiquants méditent face au centre du dojo, donc face aux autres. C'est quelque chose qui se défend également: lorsqu'on a un moment de faiblesse on peut être tenté de jeter un coup d'oeil en face... Et là on voit une rangée de pratiquants super impliqués, et on se dit "Aller, aller je fais un effort!" ...alors que 3 minutes avant, c'est eux qui s'inspiraient du courage de la rangée d'en face...
Dagda- Messages : 249
Date d'inscription : 16/11/2011
Age : 41
Localisation : Bretagne
Re: La couture du kesa
J'en rajoute, j'en rajoute, je caricature beaucoup...
Il me faut préciser que ça ne se passe pas comme ça dans tout les dojos! Y a certains beaucoup plus cools! (trop peut-être? ) Je donne volontairement une image très austère parce que c'est comme ça que je l'ai ressenti de prime abord. Certains y voit plutôt de l'harmonie dès le début!
Concernant le côté austère, il faut bien préciser une chose. On vas pas au dojo, pour rire, s'amuser, rencontrer, se relaxer... On peut quand même y trouver ces choses là mais ce n'est pas ce à quoi est destiné le lieu. Le lieu est destiné à l'étude et la pratique de la Voie! Do=Voie, Jo=lieu. Dojo: le lieu de la Voie.
Petit extrait du Tao-Te-King (chapitre 35)
Et ben c'est carrément ça. Un dojo Zen est un lieu entièrement consacré à la Voie. Et la Voie est tellement difficile à appréhender...
Malgré tout, quand les participants boivent un coup à la fin d'une sesshin y a moyen de rigoler, d'échanger, de discuter... Si si je vous jure!!
Un autre truc concernant toute cette rigueur: ces rituels nous mettent face à nos limites. Et lorsque ça coince (c'est souvent mon cas quand je découvre un nouvel aspect) il faut se demander: Qu'est ce qui coince? Est-ce parce que ça correspond pas à ma nature véritable? Ou est ce pas plutôt tout simplement de l'orgueil, de la fierté, cette croyance d'être différent et que ce qui convient aux autres ne peut nous convenir? Bon bien sûr, après suivre tout ce qui se passe bêtement sans recul est encore plus tragique, je vous l'accorde sans problèmes!
Et quand on prend le temps de les observer, de se les approprier, on comprend qu'ils sont simples, élégants et super efficaces. C'est toujours la façon de faire la plus judicieuse qui a été retenue par la tradition. C'est l'harmonie, la vraie, qui est recherchée, pas celle qui fait jolie avec la petite musique d'ambiance...
Mais bon je vous avoue que je pense ne pas avoir fini de me retrouver le cul parterre en découvrant certains trucs que je connais pas encore
Il me faut préciser que ça ne se passe pas comme ça dans tout les dojos! Y a certains beaucoup plus cools! (trop peut-être? ) Je donne volontairement une image très austère parce que c'est comme ça que je l'ai ressenti de prime abord. Certains y voit plutôt de l'harmonie dès le début!
Concernant le côté austère, il faut bien préciser une chose. On vas pas au dojo, pour rire, s'amuser, rencontrer, se relaxer... On peut quand même y trouver ces choses là mais ce n'est pas ce à quoi est destiné le lieu. Le lieu est destiné à l'étude et la pratique de la Voie! Do=Voie, Jo=lieu. Dojo: le lieu de la Voie.
Petit extrait du Tao-Te-King (chapitre 35)
Le saint garde la grande image (le Tao), et tous les peuples de l'empire accourent à lui.
Ils accourent, et il ne leur fait point de mal ; il leur procure la paix, le calme et la quiétude.
La musique et les mets exquis retiennent l'étranger qui passe.
Mais lorsque le Tao sort de notre bouche, il est fade et sans saveur.
On le regarde et l'on ne peut le voir ; on l'écoute et l'on ne peut l'entendre ; on l'emploie et l'on ne peut l'épuiser.
Et ben c'est carrément ça. Un dojo Zen est un lieu entièrement consacré à la Voie. Et la Voie est tellement difficile à appréhender...
Malgré tout, quand les participants boivent un coup à la fin d'une sesshin y a moyen de rigoler, d'échanger, de discuter... Si si je vous jure!!
Un autre truc concernant toute cette rigueur: ces rituels nous mettent face à nos limites. Et lorsque ça coince (c'est souvent mon cas quand je découvre un nouvel aspect) il faut se demander: Qu'est ce qui coince? Est-ce parce que ça correspond pas à ma nature véritable? Ou est ce pas plutôt tout simplement de l'orgueil, de la fierté, cette croyance d'être différent et que ce qui convient aux autres ne peut nous convenir? Bon bien sûr, après suivre tout ce qui se passe bêtement sans recul est encore plus tragique, je vous l'accorde sans problèmes!
Et quand on prend le temps de les observer, de se les approprier, on comprend qu'ils sont simples, élégants et super efficaces. C'est toujours la façon de faire la plus judicieuse qui a été retenue par la tradition. C'est l'harmonie, la vraie, qui est recherchée, pas celle qui fait jolie avec la petite musique d'ambiance...
Mais bon je vous avoue que je pense ne pas avoir fini de me retrouver le cul parterre en découvrant certains trucs que je connais pas encore
Dagda- Messages : 249
Date d'inscription : 16/11/2011
Age : 41
Localisation : Bretagne
Re: La couture du kesa
merci de nous faire découvrir , Dagda
tijani- Messages : 576
Date d'inscription : 20/05/2012
Age : 57
Localisation : oasis
Re: La couture du kesa
Mille mercis Dagda pour ce témoignage truculent, je me régale...
air- Modérateur
- Messages : 2585
Date d'inscription : 04/11/2011
Age : 54
Localisation : Voie Lactée...
Re: La couture du kesa
Dagda,
Tu as vraiment l'art et la manière de conter les histoires. On suit vraiment ta progression mentale à coup d'aiguilles.
C'est beau ce rituel de la couture de son rakusu. Moi qui aime beaucoup travailler avec mes mains, je découvre qu'il me manque cette exigence et que c'est sans doute là que je rate quelque chose : je ne défais pas assez lorsque le travail ne me convient pas.
Je t'embrasse
Marylo
Tu as vraiment l'art et la manière de conter les histoires. On suit vraiment ta progression mentale à coup d'aiguilles.
C'est beau ce rituel de la couture de son rakusu. Moi qui aime beaucoup travailler avec mes mains, je découvre qu'il me manque cette exigence et que c'est sans doute là que je rate quelque chose : je ne défais pas assez lorsque le travail ne me convient pas.
Je t'embrasse
Marylo
Re: La couture du kesa
bonjour et bravo à toi Dagda ! tu as su tout saisir et même l'humour du zen ! en tant que pratiquant je confirme que ta vision subjective décrit fidèlement la réalité ! C'est dingue , c'est vraiment cela !! . Mais que j'ai ri de bon coeur en te lisant !! mdr de chez mdr !!!
gasho !
I shin den shin
( 2 expressions et 2 " concepts " importants dans le zen qui mériteraient d'être développés ...j'ai la flème pour aujourd'hui ...à moins que Dagda ..
amitié dans le dharma à tous !
gasho !
I shin den shin
( 2 expressions et 2 " concepts " importants dans le zen qui mériteraient d'être développés ...j'ai la flème pour aujourd'hui ...à moins que Dagda ..
amitié dans le dharma à tous !
gogo an- Messages : 127
Date d'inscription : 30/07/2012
Age : 65
Re: La couture du kesa
Gassho frangin du dharma!
Si t'es de la maison ça doit te rappeler quelques souvenirs en effet
En fait je trouve qu'il y a pas mal moyen de rire du Zen. Parce qu'il y a plein de trucs mesquins qui te pourrissent la pratique que tout le monde doit vivre sans forcément en parler... Genre le mec qui doit absolument aller pisser alors qu'on frappe le bois et qui prend pas le temps d'enlever son kesa! Pas bien!!!
(Alors pour ceux qui voient pas de quoi je parle, et vous êtes majoritaires lol, le bois signale le début du prochain zazen, il faut donc aller de suite dans le dojo, et quand on vas aux toilettes on doit enlever rakusu et kesa puis les remettre après. Le problème c'est qu'un kesa c'est long à mettre et à enlever )
Si j'avais un minimum de talent d'acteur j'en ferais bien un sketch
Thèmes très intéressants mais il s'avère que j'ai également la flemme... Mais comme des idées me sont venues en tête...
Je vais donner mon avis, bien évidemment libre à toi de rectifier, réfuter... comme tu veut quoi
Gassho...
Petit geste tout simple: on joint les mains et on s'incline légèrement en avant...
Alors sur Wikipédia il se sont pas cassé le cul pour l'article Ca renvoie juste sur "Namasté"!
Gassho sert à saluer, remercier, manifester son respect, s'excuser... Pas mal de trucs en fait. C'est un geste très répandu et très important. Avant de prendre un instrument on fait gassho, avant de rentrer dans le dojo on fait gassho, avant de manger on fait gassho, avant de prendre le kyosaku on fait gassho, pour remercier lorsqu’on a reçu un enseignement on fait gassho... On fait gassho tout le temps!
Les rituels Zen sont généralement simples, mais il convient de soigner les détails... Et des fois on se perd dans ces détails, parmi lesquels justement: "Je fais gassho avant ou après avoir pris le maillet déjà? " Comme dit le godo de mon dojo: "Quand t'as un doute, tu fais gassho!"
Alors souvent c'est stupide: on fait gassho devant le zafu (coussin de méditation), devant une statue de Bouddha, devant un bâton...
En fait on ne fait pas gassho que devant un zafu, mais à travers le zafu c'est notre pratique de zazen que l'on salue. On ne fait pas gassho que devant une statue, mais à travers c'est également notre nature essentielle que l'on salue. On ne fait pas gassho que devant un bâton, mais également devant ce que cet instrument vas apporter aux pratiquants comme aide précieuse... Alors non c'est pas stupide
D'ailleurs quand on rentre dans le dojo, il convient de se décaler légèrement sur la gauche pour ne pas faire gassho pile devant la statue de Bouddha (ou Manjusri d'ailleurs) ceci en signe d'humilité...
Gassho c'est presque déjà faire zazen. Au moment de mourir, le must pour un moine est d'être en position de zazen. Si la situation ne le lui permet pas, il peut toujours joindre les mains en gassho.
Parfois beaucoup de choses peuvent être dites pas un simple gassho. Bien sûr y a le gassho automatique auquel on fait pas gaffe, fait par habitude, parce que ce jour là on est pas concentré... Mais y a aussi le gassho pour remercier par exemple quelqu'un qui vient de vous donner un très précieux coup de main pour coudre votre rakusu, et ce gassho là peut signifier beaucoup plus que des mots...
Un jour que j'avais été désigné responsable, je préparais l'autel. C'était une des premières fois: gros doute. Je demande à une des pratiquantes chevronnée dans quel sens déjà on met ce (putain de bordel de) kyosaku? Elle me réponds, je la remercie rapidement d'un signe de tête et me magne de finir.
Zazen, kinhin, deuxième zazen... Lors du deuxième zazen le kusen (enseignement oral) est donné. Sujet du jour: l'enseignement... L'importance des enseignements et de la façon dont ils sont donnés... Très important de toujours remercier la personne qui nous délivre un enseignement... Gassho en conscience donc... Les gros enseignements... Les petits... Même les plus ridicules... Et là je me rends compte que le kusen du jour... c'est pour ma gueule! Et oui, ayant négligé la valeur du renseignement (qui est déjà en soi un enseignement) que j'avais reçu, j'avais totalement oublié de faire gassho! Et BOUM! épinglé direct!
(Les meilleurs kusen c'est ceux qui nous sont spécialement dédicacés pour nous mettre sur la gueule! Enfin après coup, parce qu'au moment même ça bout sur le zafu...)
Bref ce geste (ou plutôt l'absence de geste) n'avait pas échappé au godo qui s'est fait un plaisir d'en mettre une bonne couche. En effet, c'était très représentatif de mon état de conscience du moment et de ma négligence. Je suis reparti la tronche un peu à l'envers, mais en ayant compris un peu plus profondément le sens du tout simple "Merci". A travers un seul gassho manqué, un véritable enseignement sur la gratitude... C'est pas beau ça?
Pour en finir avec gassho, lorsqu'on joint les mains, on joint la main gauche et la main droite, deux mains séparées et opposées donc, et on les joint en symbole d'unité... Faire gassho, c'est déjà affirmer la non-dualité.
Bon ça vas j'ai pas dit trop de conneries sur le gassho?
Si t'es de la maison ça doit te rappeler quelques souvenirs en effet
En fait je trouve qu'il y a pas mal moyen de rire du Zen. Parce qu'il y a plein de trucs mesquins qui te pourrissent la pratique que tout le monde doit vivre sans forcément en parler... Genre le mec qui doit absolument aller pisser alors qu'on frappe le bois et qui prend pas le temps d'enlever son kesa! Pas bien!!!
(Alors pour ceux qui voient pas de quoi je parle, et vous êtes majoritaires lol, le bois signale le début du prochain zazen, il faut donc aller de suite dans le dojo, et quand on vas aux toilettes on doit enlever rakusu et kesa puis les remettre après. Le problème c'est qu'un kesa c'est long à mettre et à enlever )
Si j'avais un minimum de talent d'acteur j'en ferais bien un sketch
Gogo an a écrit:gasho !
I shin den shin
( 2 expressions et 2 " concepts " importants dans le zen qui mériteraient d'être développés ...j'ai la flème pour aujourd'hui ...à moins que Dagda ..
Thèmes très intéressants mais il s'avère que j'ai également la flemme... Mais comme des idées me sont venues en tête...
Je vais donner mon avis, bien évidemment libre à toi de rectifier, réfuter... comme tu veut quoi
Gassho...
Petit geste tout simple: on joint les mains et on s'incline légèrement en avant...
Alors sur Wikipédia il se sont pas cassé le cul pour l'article Ca renvoie juste sur "Namasté"!
Gassho sert à saluer, remercier, manifester son respect, s'excuser... Pas mal de trucs en fait. C'est un geste très répandu et très important. Avant de prendre un instrument on fait gassho, avant de rentrer dans le dojo on fait gassho, avant de manger on fait gassho, avant de prendre le kyosaku on fait gassho, pour remercier lorsqu’on a reçu un enseignement on fait gassho... On fait gassho tout le temps!
Les rituels Zen sont généralement simples, mais il convient de soigner les détails... Et des fois on se perd dans ces détails, parmi lesquels justement: "Je fais gassho avant ou après avoir pris le maillet déjà? " Comme dit le godo de mon dojo: "Quand t'as un doute, tu fais gassho!"
Alors souvent c'est stupide: on fait gassho devant le zafu (coussin de méditation), devant une statue de Bouddha, devant un bâton...
En fait on ne fait pas gassho que devant un zafu, mais à travers le zafu c'est notre pratique de zazen que l'on salue. On ne fait pas gassho que devant une statue, mais à travers c'est également notre nature essentielle que l'on salue. On ne fait pas gassho que devant un bâton, mais également devant ce que cet instrument vas apporter aux pratiquants comme aide précieuse... Alors non c'est pas stupide
D'ailleurs quand on rentre dans le dojo, il convient de se décaler légèrement sur la gauche pour ne pas faire gassho pile devant la statue de Bouddha (ou Manjusri d'ailleurs) ceci en signe d'humilité...
Gassho c'est presque déjà faire zazen. Au moment de mourir, le must pour un moine est d'être en position de zazen. Si la situation ne le lui permet pas, il peut toujours joindre les mains en gassho.
Parfois beaucoup de choses peuvent être dites pas un simple gassho. Bien sûr y a le gassho automatique auquel on fait pas gaffe, fait par habitude, parce que ce jour là on est pas concentré... Mais y a aussi le gassho pour remercier par exemple quelqu'un qui vient de vous donner un très précieux coup de main pour coudre votre rakusu, et ce gassho là peut signifier beaucoup plus que des mots...
Un jour que j'avais été désigné responsable, je préparais l'autel. C'était une des premières fois: gros doute. Je demande à une des pratiquantes chevronnée dans quel sens déjà on met ce (putain de bordel de) kyosaku? Elle me réponds, je la remercie rapidement d'un signe de tête et me magne de finir.
Zazen, kinhin, deuxième zazen... Lors du deuxième zazen le kusen (enseignement oral) est donné. Sujet du jour: l'enseignement... L'importance des enseignements et de la façon dont ils sont donnés... Très important de toujours remercier la personne qui nous délivre un enseignement... Gassho en conscience donc... Les gros enseignements... Les petits... Même les plus ridicules... Et là je me rends compte que le kusen du jour... c'est pour ma gueule! Et oui, ayant négligé la valeur du renseignement (qui est déjà en soi un enseignement) que j'avais reçu, j'avais totalement oublié de faire gassho! Et BOUM! épinglé direct!
(Les meilleurs kusen c'est ceux qui nous sont spécialement dédicacés pour nous mettre sur la gueule! Enfin après coup, parce qu'au moment même ça bout sur le zafu...)
Bref ce geste (ou plutôt l'absence de geste) n'avait pas échappé au godo qui s'est fait un plaisir d'en mettre une bonne couche. En effet, c'était très représentatif de mon état de conscience du moment et de ma négligence. Je suis reparti la tronche un peu à l'envers, mais en ayant compris un peu plus profondément le sens du tout simple "Merci". A travers un seul gassho manqué, un véritable enseignement sur la gratitude... C'est pas beau ça?
Pour en finir avec gassho, lorsqu'on joint les mains, on joint la main gauche et la main droite, deux mains séparées et opposées donc, et on les joint en symbole d'unité... Faire gassho, c'est déjà affirmer la non-dualité.
Bon ça vas j'ai pas dit trop de conneries sur le gassho?
Dagda- Messages : 249
Date d'inscription : 16/11/2011
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Localisation : Bretagne
Re: La couture du kesa
I shin den shin...
De ton âme à mon âme (en japonais)
Bon là je pense que j'ai pas saisi en profondeur ce "concept" là (concept entre guillemets parce que le Zen c'est pas vraiment un truc de concepts, c'est plutôt même carrément le contraire malgré ce qu'on pourrait en croire d'un point de vue extérieur)
En gros il s'agit de transmette un vécu à quelqu'un d'autre, de façon subtile qui transcende les mots, l'attitude, les pensées... le moi illusoire donc.
Parce que si y a bien un truc qui est galère à transmettre c'est un vécu, une perception!! Parce qu'il est impossible d'expliquer une perception! A partir du moment où l'on commence à l'expliquer, à avoir du recul dessus donc, ce n'est plus une perception mais déjà une conception. Donc au mieux on peut transmettre une conception. Conception qui sera en plus interprétée par l'autre. Alors on est déjà plus du tout dans la perception initiale.
Bon après si ça concerne la couleur d'une paire de godasse ça vas, on s'en sort bien, ça se fait plutôt bien quand même n’exagérons pas
Mais dès que c'est un peu plus subtil, que ça touche au pur vécu de quelqu'un, c'est juste intransmissible, parce qu'on ne peut transmettre une perception, il faut la percevoir soi-même.
I shin den shin, c'est cette transmission qui passe au-delà de la conception. Alors on ne peut pas transmettre une perception, bien sûr que non, personne ne peut vivre à notre place, mais on peut transmettre... je sais pas exactement... une attitude? Un regard? Un mouvement? permettant lui de vivre cette perception, ce vécu.
Petite anecdote ^^
Zazen tout ça... en "touriste" dans un autre dojo. Discussion après la cérémonie...
Un pratiquant me parle de la fameuse anecdote de la transmission du Dharma du Bouddha à Mahakasyapa. Il me dit qu'au début il ne comprenait pas cette histoire là. Je lui dit que je n'y comprends rien non plus. Il me dit que lui si, il a compris, au moins à un certain niveau. Il me dit genre "C'est tout simple! C'est juste une fleur. C'est tout!" (l'explication qui vaut rien que j'ai lut 30 fois... ) Je comprends pas plus en fait... Je met mes godasses et là... Putain j'ai compris ce qu'il voulait me dire!! C'est simple: en fait c'est... c'est... ben c'est juste une fleur!
Ha oui en effet c'est chiant à expliquer
Je sais pas ce qu'il m'as transmis, mais il est clair qu'il m'as transmis un truc. Ce n'est pas passé par les concepts, il m'as transmis un truc qui m'as permis d'arriver à sa compréhension. Il ne l'as pas fait exprès, mais c'est passé.
Je sais pas du tout ce qui se passe... Mais ça se passe.
Alors comme c'est très subtil, imaginez ce qu'il peut se passer dans un dojo où tout le monde fait zazen ensemble... C'est ainsi que les enseignants cherchent à enseigner: I shin den shin. Comme le déclic ne peut se faire que lorsque l'autre est mûr, prêt à recevoir, en attendant on utilise des concepts, des histoires, des réflexions... Mais le but ultime est d'expliquer ce qui ne peut l'être. Donc de passer au-delà du concept, d'âme à âme. L'éveil ne s'explique pas, il se vit.
Voilà en espérant ne pas avoir dit trop de conneries
De ton âme à mon âme (en japonais)
Bon là je pense que j'ai pas saisi en profondeur ce "concept" là (concept entre guillemets parce que le Zen c'est pas vraiment un truc de concepts, c'est plutôt même carrément le contraire malgré ce qu'on pourrait en croire d'un point de vue extérieur)
En gros il s'agit de transmette un vécu à quelqu'un d'autre, de façon subtile qui transcende les mots, l'attitude, les pensées... le moi illusoire donc.
Parce que si y a bien un truc qui est galère à transmettre c'est un vécu, une perception!! Parce qu'il est impossible d'expliquer une perception! A partir du moment où l'on commence à l'expliquer, à avoir du recul dessus donc, ce n'est plus une perception mais déjà une conception. Donc au mieux on peut transmettre une conception. Conception qui sera en plus interprétée par l'autre. Alors on est déjà plus du tout dans la perception initiale.
Bon après si ça concerne la couleur d'une paire de godasse ça vas, on s'en sort bien, ça se fait plutôt bien quand même n’exagérons pas
Mais dès que c'est un peu plus subtil, que ça touche au pur vécu de quelqu'un, c'est juste intransmissible, parce qu'on ne peut transmettre une perception, il faut la percevoir soi-même.
I shin den shin, c'est cette transmission qui passe au-delà de la conception. Alors on ne peut pas transmettre une perception, bien sûr que non, personne ne peut vivre à notre place, mais on peut transmettre... je sais pas exactement... une attitude? Un regard? Un mouvement? permettant lui de vivre cette perception, ce vécu.
Petite anecdote ^^
Zazen tout ça... en "touriste" dans un autre dojo. Discussion après la cérémonie...
Wikipédia a écrit:Le Bouddha prit une fleur Udumbara entre ses doigts (fleurissant tous les trois mille ans, d'après la légende), et la fit tourner sans mot dire. Maha Kassapa, à ce moment, fut le seul disciple à comprendre l'essence de l'esprit du Bouddha, et répondit par un sourire, qui manifesta sa compréhension profonde, que le Bouddha reconnut alors. Cette histoire, dans les traditions du chan, puis du zen, exprime la transmission du Dharma directement d'esprit à esprit (en japonais : i shin den shin)
Un pratiquant me parle de la fameuse anecdote de la transmission du Dharma du Bouddha à Mahakasyapa. Il me dit qu'au début il ne comprenait pas cette histoire là. Je lui dit que je n'y comprends rien non plus. Il me dit que lui si, il a compris, au moins à un certain niveau. Il me dit genre "C'est tout simple! C'est juste une fleur. C'est tout!" (l'explication qui vaut rien que j'ai lut 30 fois... ) Je comprends pas plus en fait... Je met mes godasses et là... Putain j'ai compris ce qu'il voulait me dire!! C'est simple: en fait c'est... c'est... ben c'est juste une fleur!
Ha oui en effet c'est chiant à expliquer
Je sais pas ce qu'il m'as transmis, mais il est clair qu'il m'as transmis un truc. Ce n'est pas passé par les concepts, il m'as transmis un truc qui m'as permis d'arriver à sa compréhension. Il ne l'as pas fait exprès, mais c'est passé.
Je sais pas du tout ce qui se passe... Mais ça se passe.
Alors comme c'est très subtil, imaginez ce qu'il peut se passer dans un dojo où tout le monde fait zazen ensemble... C'est ainsi que les enseignants cherchent à enseigner: I shin den shin. Comme le déclic ne peut se faire que lorsque l'autre est mûr, prêt à recevoir, en attendant on utilise des concepts, des histoires, des réflexions... Mais le but ultime est d'expliquer ce qui ne peut l'être. Donc de passer au-delà du concept, d'âme à âme. L'éveil ne s'explique pas, il se vit.
Voilà en espérant ne pas avoir dit trop de conneries
Dagda- Messages : 249
Date d'inscription : 16/11/2011
Age : 41
Localisation : Bretagne
Re: La couture du kesa
j'ai compris tout de suite :
ben oui , c'était juste une fleur ! (mais bon , qui fleurissait quand même que tous les trois mille ans parait il )
ben oui , c'était juste une fleur ! (mais bon , qui fleurissait quand même que tous les trois mille ans parait il )
lola83- Messages : 1204
Date d'inscription : 25/03/2012
Localisation : près de paris
Re: La couture du kesa
Dagda,
J'aime vraiment beaucoup te lire. J'ai commencé ma journée par une séance d'EFT puis d'Ohoponopono et enfin par remercier pour cette journée et toutes les grâces que j'allais vivre.
Voici donc le premier cadeau : ta prose et tes explications sur les gestes importants dans le Zen.
Un grand merci à toi petit frère pour cette si belle façon de commencer la journée.
Je vous envoie à tous de la poussière d'arc-en-ciel, signe de l'alliance de la source à sa création, que cette poussière allège vos pas où qu'ils aillent.
Marylo
J'aime vraiment beaucoup te lire. J'ai commencé ma journée par une séance d'EFT puis d'Ohoponopono et enfin par remercier pour cette journée et toutes les grâces que j'allais vivre.
Voici donc le premier cadeau : ta prose et tes explications sur les gestes importants dans le Zen.
Un grand merci à toi petit frère pour cette si belle façon de commencer la journée.
Je vous envoie à tous de la poussière d'arc-en-ciel, signe de l'alliance de la source à sa création, que cette poussière allège vos pas où qu'ils aillent.
Marylo
Re: La couture du kesa
un tout petit cadeau Marylo :
bonne continuation pour ta journée
bonne continuation pour ta journée
lola83- Messages : 1204
Date d'inscription : 25/03/2012
Localisation : près de paris
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