L'étude, la réflexion et la pratique

Dans la plupart des traditions, pratiquer une spiritualité repose sur 3 piliers.
Ceci est très bien décrit par exemple dans les enseignements bouddhistes ou hindouistes.

L'étude : Pour pratiquer une voie spirituelle, il faut d'abord un enseignement, une direction, une méthode.
La première étape consiste donc à étudier un enseignement spirituel, c'est à dire lire des livres, écouter des enseignants...

La réflexion : Une fois que l'on a étudié un enseignement, il faut y réfléchir pour en intégrer le sens profond. Cela demande de remettre en question ce que l'on a appris, de l'étudier sous tous les angles pour voir si ça "tiens la route" et de voir en quoi, par rapport à notre vie et notre expérience personnelle cela est applicable et vérifiable.
Ici il s'agit de ne rien accepter d'emblée, mais de douter, de confronter nos opinions personnelles avec celles de l'enseignement. Ainsi ce que, à la suite de ce processus, on aura admis, sera une connaissance vivante et profondément comprise.

La pratique : A la suite d'une réflexion profonde (qui peut durer des années), on intègre le sens profond de l'enseignement spirituel et du chemin qu'il propose. Mais il s'agit aussi et surtout de le vivre et de l'incarner dans sa vie de tous les jours. Et pour cela, il faut une pratique spirituelle, qui nous permettra de vraiment intégrer dans notre vécu et notre expérience directe ce que nous aurons compris.

Ces trois piliers étude - réflexion - pratique sont interdépendants. Car c'est sur la base d'une étude et d'une réflexion profonde de l'enseignement spirituel que l'on peut pratiquer d'une manière juste. Et c'est sur la base d'une pratique juste que notre esprit s'éclaire peu à peu et que nous pouvons approfondir notre compréhension. Jusqu'au jour où nous serons nous même un avec la vérité, au delà de toute compréhension intellectuelle.

ananie a écrit:Ces trois piliers étude - réflexion - pratique sont interdépendants. Car c'est sur la base d'une étude et d'une réflexion profonde de l'enseignement spirituel que l'on peut pratiquer d'une manière juste. Et c'est sur la base d'une pratique juste que notre esprit s'éclaire peu à peu et que nous pouvons approfondir notre compréhension. Jusqu'au jour où nous serons nous même un avec la vérité, au delà de toute compréhension intellectuelle.

C'est en raison de cette interconnexion que je n'y mettrais pas une chronologie absolue, pour ma part, j'ai commencé à pratiquer certains enseignements avant de les avoir compris (cette compréhension pour moi continue ) et j'apprends encore à ce sujet.

Comme toi Marie, cette interconnexion ne se fait pas toujours "dans l'ordre" indiqué plus haut.
Il m'est arrivé d'aborder certains enseignements surtout par la pratique, et de les comprendre seulement après.
En fait c'est la pratique qui m'a aussi donné envie de chercher à les comprendre, une fois vérifié que "ça fonctionnait" (si on peut dire ça comme ça).

Effectivement, cette interconnexion ne se fait pas nécessairement dans l'ordre.
Chez les bouddhistes où l'on applique beaucoup ce principe, il y a des différences selon les écoles tibétaines.

Par exemple il me semble que dans la lignée Gelugpa, on étudie énormément avant de pratiquer, afin de comprendre intellectuellement le sens de ce que l'on fait.

Alors que chez les Kagyu, on commence à pratiquer dès le départ, tout en étudiant peu à peu.

Je crois par contre que l'on ne peut pas faire l'impasse sur un de ces trois aspects.

Car sans l'étude d'un enseignement qui a véritablement porté ses fruits, on part un peu dans tous les sens. Mais suivant les personnes cette étude pourra être complexe ou très rudimentaire.

Sans réflexion, on ne fait qu'adhérer à ce que l'on a étudié, sans jamais le remettre en question et voir en quoi on peut l'appliquer dans notre vie, concrètement.
Du coup cela reste abstrait, et n'ayant pas traversé tous les doutes que nous avons par rapport à l'enseignement, ces doutes subsistants au fond de nous font que :
- soit on ne met jamais en application ce que l'on a appris parce que l'on ne sait pas profondément pourquoi le mettre en application.
- soit on rentre dans un grand dogmatisme, en refoulant sans cesse nos doutes au lieu de s'y confronter. Ainsi, tout ce qui pourrait nous faire douter de l'enseignement, au lieu d'être perçu comme une chance est perçu comme un grand danger qu'il s'agit de ne surtout pas écouter et auquel il ne faut surtout pas réfléchir.

Enfin, sans pratique, la compréhension ne reste que compréhension, et ne s'intègre pas dans notre vécu.


Il est vrai que l'expérience spirituelle est au delà de l'intellect, mais l'intellect n'est pas non plus à rejeter, il a son rôle à jouer.
Comme le dit une célèbre métaphore : l'étude et la réflexion intellectuelle donnent la carte de là où on doit aller. La carte n'a rien à voir avec le pays qu'elle désigne, mais en même temps, sans carte, on ne peut pas aller dans le pays en question.

ananie a écrit:Comme le dit une célèbre métaphore : l'étude et la réflexion intellectuelle donnent la carte de là où on doit aller. La carte n'a rien à voir avec le pays qu'elle désigne, mais en même temps, sans carte, on ne peut pas aller dans le pays en question.

Yess ! joli .
Mais, n'étant que très moyenne en lecture de carte, j'avance quand même et parfois en confiance, parfois a l'aveuglette ... Tu sais, les femmes et le sens de l'orientation c'est pas ça pour toutes ...

Juste pour plaisanter un peu et dire aussi que certaines pratiques m'ont fait mieux comprendre ce que j'avais étudié. Mais en effet, c'est aussi mon avis que les trois se complètent bien.

Par contre je n'avais pas envisagé la confrontation avec soi-même avec autant de liberté ni examiné un esprit critique comme un pas de plus vers le divin.
Merci pour cette ouverture nouvelle pour moi.

Marie a écrit:Juste pour plaisanter un peu et dire aussi que certaines pratiques m'ont fait mieux comprendre ce que j'avais étudié.

Oui tu as étudié, ensuite réfléchis, ensuite pratiqué, et là, vraiment compris ce que tu avais étudié.
C'est dans le même ordre que ce que je disais en haut du coup.
En fait il y a compréhension et compréhension.

Certaines choses on peut les comprendre intellectuellement avant de les vivre par la pratique
D'autres, on ne peut que le comprendre par la pratique, mais dans ce cas l'étude et la réflexion nous donne la direction pour les expérimenter dans la pratique.

De plus lors de l'étude et de la réflexion, on plante une graine dans notre esprit.
Dans la méditation on arrose la graine et elle finit pas germer (c'est une métaphore souvent utilisée par les bouddhistes).

Lama Guendune Rinpotché disait : "on réalise ce que l'on conçoit".

Ainsi, les bouddhistes disent que si on médite avec une très mauvaise conception des choses sans la remettre en question et bien c'est cette mauvaise conception que l'on arrose et qui germe.

C'est pour cela que les névrosés qui méditent beaucoup sans jamais se remettre en question deviennent de super névrosés.

Alors que ceux qui se remettent en question finissent par guérir.

Je me suis remis a l'étude pour éclairer ma pratique. La pratique intellectuel peu aussi déboucher vers un compréhension qui dépasse l'intellectualité réflective, elle peu tendre vers une compréhension éclairée : la Buddhi ou Intellectualité Supérieur.

Notament dans ces deux directions :

- l'étude de la psychologie pour éclairer et nommer ce qui est perçu.
- l'étude de différentes Traditions et courants Spirituel pour mettre en comparaison notre pratique. Principe aussi d'équilibre par confrontation et mises en pratiques. Cela permet entre autre, soit d'enrichir notre pratique, la valider par différents témoignages de d'autres enseignements, ou bien s'extraire d'une Voie dont l'on a user sa pertinence.

J'aime beaucoup cette image de la méditation comme le fait d'arroser les graines que l'on a semé en soi.
Ca me donne encore plus envie de méditer
La prochaine fois je m'imagine avec un p'tit arrosoir dans chaque main

on étudie énormément avant de pratiquer, afin de comprendre intellectuellement le sens de ce que l'on fait.

Ceci me parait important.
C'est ce qui permet notamment de ne pas détourner les pratiques dans un but purement personnel, en ne prenant que ce qui nous arrange par exemple.
C'est aussi respecter la cohérence des enseignements, qui datent pas d'hier, et ont été pratiqués et enseignés par de plus sages que nous, avant nous.
Je pense que l'étude ramène à une forme d'humilité.
La réflexion pousse au discernement en utilisant aussi son libre arbitre.
Et la pratique vient ancrer tout cela dans le concret.

Je suis bien d'accord avec vous deux.

Oui, je pense qu'il n'y a pas d'ordre intangible (et ce n'est d'ailleurs pas ce qu'a dit Ananie, mais quand on expose sa pensée, on ne peut pas tout dire à la fois, donc il y a un ordre qui apparaît chronologiquement), mais qu'il s'agit d'allers-retours entre ces trois piliers, allers-retours inévitables et de toute façon indispensables.

Personnellement, tout comme Maïna, ça m'arrive par exemple de lire une phrase ou de lire un type d'"exercice" et de tilter, de me mettre soit à y réfléchir, soit à vouloir appliquer tout de suite (en tous cas essayer, commencer).
Et ça m'arrive aussi de passer par des périodes où je suis plutôt dans l'apprentissage (essentiellement en lisant), des périodes où je suis plutôt dans la réflexion, y compris aussi en dialoguant (ce qui est le cas en ce moment), et des périodes où je suis plutôt dans l'application, dans l'action, dans la mise en pratique. Mais il a toujours un minimum d'interactions entre ces trois types de progression.
Parfois je reviens sur un livre que j'avais mis de côté, que je n'avais fait qu'effleurer, ou sur une réflexion qui n'était que floue, ou sur une pratique que je n'avais fait qu'esquisser, avec à chaque fois un regard nouveau puisqu'entre-temps il y a des choses qui ont changé. Et ça peut prendre une autre dimension, éclore, ou alors retomber comme un soufflé.
C'est de toute façon très empirique et assez anarchique. Comme disait Marie, c'est un peu avancer à l'aveuglette, en tous cas tâtonner.
Avec souvent aussi des phases où j'ai l'impression de stagner, comme dans un marais (mais le marais est fécond), puis au bout d'un moment quelque chose en pousse, j'avance à nouveau, riche de ce que j'ai accumulé pendant cette période.

Je crois qu'on ne peut pas passer, à grande échelle, par une phase de notre vie où on apprend, une phase où on réfléchit, puis une phase où on applique. Même à court terme, les trois interagissent, sinon ça voudrait dire qu'il y a une méthode avec un plan directeur.
C'est un peu une évolution spiralique, et non linéaire ou circulaire.